L'ADORATION DES MAGES ( REMBRANDT) |
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I Un seul sauveur aux visages multiples | |
II Au temps des prophètes, le triomphe de l'oralité | |
III La conversion des chrétiens au christianisme |
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1 Le Sauveur selon l'évangile dit
de Marc
1 Le dieu-esclave
2 La localisation des masses serviles 3 La révolte de Spartacus et ses conséquences 4 Spartacus Imperator divin 5 Chrestus; prophètes et prophètesses 6 Le mouvement chrétien d'insoumission et son évolution |
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le christ au galet (
S DALI )
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SOMMAIRE
1 Le Sauveur selon l'évangile dit de Marc
2 Le Sauveur selon l'évangile dit de Jean
3 Le Sauveur d'après Matthieu et Luc
4 L'inauthenticité des textes
5 La généalogie du roi des juifs
6 Un Sauveur ressuscité et monté aux Cieux
1 Le Sauveur selon l'évangile dit de Marc
A l'intention du lecteur pressé qui viendrait
directement s'enquérir des résultats de l'enquête menée dans ce dernier chapitre,
il convient de souligner combien est ambigüe la figure du Sauveur de ceux que
l'on appelle encore des chrétiens et non des "christianistes". Selon l'évangile
dit de Marc (1 -9 à fin), Il apparait subitement comme un homme mûri par l'âge,
orateur populaire subjugant les foules, thérapeute faisant des miracles, habile
à éviter les traquenards des pharisiens, scribes et hérodiens; cet homme n'a
pas eu de naissance, n'a pas eu d'enfance; Il est le type même de celui qui,
toujours présent, agit sans cesse pour le bien de ses fidèles; Il incarne pour
eux, la récompense finale méritée par une vie d'opprobres subies ici-bas. Il
dessine le Sauveur imaginé au temps du triomphe de l'oralité, prêt à remplacer
à lui-seul les anciennes divinités solaires et lunaires de la fécondité car
Il est le Maître de la vie.
2 Le Sauveur selon l'évangile dit de Jean
L'évangile dit de Jean, dans son prologue bien
connu, développe une dissertation théologique sur le logos-cosmocrator :
" Tout fut
par Lui -Le Monde fut par Lui -En Lui est la vie et la vie est la lumière des
hommes"
Cette affirmation ne fait que consacrer l'antique définition de dieu en tant
que lumière. G.Dumézil, naguère, nous a rappelé opportunément que la racine
indo-européenne "deiwoss : lumière" a fourni à la langue latine particulièrement
: deus, divus, dies (le jour). De tous temps, la vie des hommes a été conditionnée
si étroitement par la lumière, que tous, dans tous les lieux et pays, l'ont
adorée comme la divinité dont tout procède: leur environnement dans son relief
et ses couleurs, la climatologie et la fécondité du sol, l'agrément de la température,
l'action fertilisatrice de la lune compensant la désertification dûe à un Soleil
trop ardent etc... Le logos de cet évangile johanique n'a donc rien de novateur,
sinon qu'il est le Fils du Dieu Unique, baptisant dans l'Esprit-Saint; c'est-à-dire
qu'il exprime à lui-seul le concept de Trinité élaborée pour la première fois
par le Concile de Nicée en 325.
Il n'est pas utile, non plus, d'insister sur
le caractère très insuffisant de cette définition du dieu-lumière, puisque la
lumière est un phénomène purement naturel signalant une matière ondulatoire
et corpusculaire que l'homme dompte progressivement depuis qu'il s'est rendu
maître du feu il y a environ 350.000 ans.
Il faudrait par contre s'interroger avec application
sur les modalités de l'action créatrice du logos, pour relever immédiatement
un anthropomorphisme caractéristique. L'homme ne connaît son environnement et
ne se connaît lui-même qu'en donnant un nom à ses états de conscience; c'est
par la parole qu'il distingue véritablement ce qui l'entoure, c'est par la parole
qu'il crée et sépare. Il ne lui suffit pas d'intérioriser ses sensations, il
lui faut objectiver ses perceptions en projetant hors de lui, par une parole
proférée ou non, les éléments constitutifs de son milieu de vie. L'homme crée
par la parole; Dieu également, qui magnifie,par son verbe-logos, les facultés
humaines. Mais,
"le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous. ..." .
A première vue ce verset paraît proférer une lapalissade.
Le Verbe cosmocrator est dans le sein du Père, c'est-à-dire engendré et non
créé; il ne peut pas agir en dehors du Père; autrement dit, il crée et se réalise
par émanation; il ne crée pas au sens où le potier fabrique son ouvrage;
il s'est fait chair puisque toute chair émane de lui et est en lui. Il habite
en nous de manière permanente puisque nous sommes en lui, sinon nous n'existerions
pas. Du point de vue de l'homme le Verbe est tout à la fois immanent et transcendant;
transcendant parce que immanent; mais non l'Etre-en-soi, puisqu'il est cosmocrator.
En bonne métaphysique thomiste, c'est-à-dire aristotélicienne, il "crée" en
actualisant une potentialité; sa "création" dénonce donc son imperfection, son
Etre-en-devenir; l'évolution continuelle de notre univers est mue directement
par son propre mouvement.
Concrètement, comme dans l'évangile dit de Marc,
ce Verbe cosmocrator est un dieu de la Fécondité, et tout à fait conscient de
l'être:
" C'est Moi qui suis le pain de vie" (Jean VI -35)
Le Verbe-logos définit ici le dogme de la transsubstantiation exprimée pour
la première fois par le 4ème Concile du Latran en 1215. Si les paroles attribuées
à Jésus avaient été prononcées du temps de sa vie supposée et rapportées par
un évangile écrit à la fin du premier siècle de notre ère, comment aurait-on
pu les ignorer durant douze siècles? Malgré les "raisons" développées par les
professionnels du divin dans leur descrption d'un dieu pédagogue se révèlant
peu à peu aux humains (à quelles occasions? quand et comment ?), force est bien
de conclure, au passage, que ceux-ci créent progressivement le dieu dont ils
ont besoin.
Assurément, pour les christianistes, le verset
johanique : "le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous" signifie que
le cosmocrator a pris une forme humaine, il se serait incarné en un homme bien
individualisé. Mais on ne nous donne aucune information ni sur le lieu ni sur
la date de sa naissance, alors qu'il aurait suffi de ces deux indications vérifiables
pour faire taire toute polémique ultérieure à ce sujet; une vérité historique
attestée vaut toujours mieux qu'une simple vérité de foi surtout lorsqu'on proclame
la valeur universelle de cette naissance salutaire.
En fait, tous les évêques chrétiens à partir du IIIème siècle savaient bien qu'une telle naissance dévoilait seulement la valeur symbolique du Salut. Leur Sauveur aurait dû manifester continuellement sa nature divine par une intense lumière issue de son être (le Sauveur étant lumière de lumière), ce que personne n'a noté (sauf à l'occasion de la Transfiguration).
Aristocrates, ces évêques avaient fréquenté
les mêmes écoles supérieures que leurs congénères "païens" philosophes ou hommes
de lettres; pour tous, l'incommutabilité des espèces et des natures établissait
une règle qui empêchait le cheval de devenir une fourmi volante tout en restant
cheval, et Dieu de devenir un homme tout en restant dieu. Mais ces évêques s'ils
voulaient être obéis dans leurs collegia devaient partager la langue et les
espoirs de leurs communautés d'esclaves et prolétaires, pour lesquels un raisonnement
logique ne pouvait l'emporter sur les émotions et les images venant compenser
dans leurs consciences les conditions inhumaines de leur existence quotidienne.
Que pouvait signifier un langage d'homme "raisonnable" pour des foules vivant
très en deçà de l'humanité? Ces évêques se préoccupaient constamment d'établir
et de maintenir la discipline dans leurs Associations d'entre-aide; la décollation
de Quadratus, évêque intérimaire d'Utique en Afrique du Nord, et la répression
consécutive de la Massa Candida constituaient un exemple précis de ce qui pouvait
survenir à chacun d'eux, si son collegium se soulevait d'une manière jugée dangereuse
par l'Administration romaine.
Après 212 et le décret de Caracalla, au fur et
à mesure que le mouvement chrétien s'organisait conformément aux lois d'Ulpien
et de Marcien, et pratiquait un culte privé autorisé, l'obéissance obligeait
ces chrétiens à clore leurs réunions par des prières pour le Salut de l'Empire
et la bonne santé de l'Empereur.
3 Le Sauveur d'après Matthieu et Luc
C'est ce besoin d'obéissance et cette religion
du pouvoir que viennent traduire clairement les deux évangiles dits de Matthieu
et Luc dès leurs premiers chapitres. De même que la mère d'Auguste, Attia, avait
été fécondée par Apollon-Esculape, lors de son sommeil dans le temple de l'île
Tibérine, de même le Sauveur christianiste naît d'une hiérogamie, de l'union
du dieu Trine avec Marie, par l'action de l'Esprit-Saint. Ce Sauveur est donc
le fruit d'un inceste sacré puisque:
le Fils unique de Dieu, Jésus Christ, (est) incarné par une
oeuvre commune de toute la Trinité, conçu de Marie toujours vierge, par la coopération
du Saint-Esprit comme l'exprime la Constitution sur la Foi catholique publiée
par le quatrième Concile oecuménique du Latran en 1215. Le Sauveur se manifeste
à la fois comme amant et fils de Marie, et, Christ, oint de Dieu, c'est-à-dire
comme Empereur des Romains. Aucun doute ne peut s'élever à ce sujet, malgré
les explications allégoriques typologiques ou spirituelles des professionnels
du divin.
Christos est un ancien adjectif dans la langue
grecque, déjà utilisé parEuripide. Il désigne la personne humaine qui reçoit
de Dieu, par un signe, l'huile attestant son origine divine et son pouvoir sur
les hommes. Ce qualificatif de Christos ne peut donc convenir qu'à un prince-homme;à
quoi celà servirait-il que le Fils unique de Dieu, dieu lui-même, dans le sein
de son Père, fût béni et oint par lui-même? Nous sommes en présence de deux
récits développant à leur manière la théologie royale exprimée par l' "Hermès
Trismégiste" à la fin du 2ème siècle de notre ère
"Tout roi est le dernier des dieux et le premier des hommes" (1)
expression dans laquelle se trouve déjà incluse la définition de la double nature
en une seule personne que proclamera le Concile de Chalcédoine en 451.
L'identification totale de l'Empereur des Romains
et de ce Sauveur christianiste constitue un tel impératif que les deux évangiles
l'ont fait naître comme le nouveau Mithra reconnu et adoré comme tel par les
Mages chez Matthieu, et par les bergers chez Luc; les uns et les autres personnages
éminents de la mythologie mithriaque. Ce Sauveur surgit comme le nouveau Soleil,
Néos Hélios, Noël., titre dont se glorifiait l'Empereur de Rome. Cette identification
dans la personne de Mithra est d'autant plus évidente que la scène de la naissance
mithriaque est la seule signalée par les évangiles, et capte toutes les attentions.
Que le détenteur du pouvoir soit assimilé au Sauveur c'est ce que dit expressément
le quatrième Concile oecuménique de Constantinople en 869; il paraphrase l'épître
dite aux Romains (XIII -1 à 7) : "Omnis potestas a deo"
- d'une part il établit le Christ "Empereur
céleste et Seigneur de Majesté"; il fait du Christ l'hypostase céleste de l'Empereur
romain,
- d'autre part il déclare que cet
Empereur sur terre "très pieux et ami du Christ" , ", . a été
élevé au pouvolr par le Sauveur "pour le Salut du Monde"
Cette déclaration conciliaire justifie amplement toute la statuaire médiévale des "Constantin", par laquelle les fidèles reconnaissaient en Constantin le fondateur de leur religion, statufié à Constantinople au sommet d'une colonne de pierres rouges en dieu solaire, vénéré par tous, et illuminant l'Empire de ses rayons. Cette religion du pouvoir et de l'obéissance conditionne tant encore les consciences christianisées qu'il leur est impossible d'imaginer leur Dieu sous d'autres traits que ceux d'un Seigneur et Roi; elles le qualifient constamment de "Notre Seigneur" ou de "Christ-Roi".
J'ai connu exceptionnellement en France, dans le département de l'Isère, un prêtre catholique alpiniste habitué aux difficiles courses en montagne, qui avait commandé pour sa chapelle de Chapareillan un vitrail figurant son Dieu en premier de cordée dans la traversée du glacier du Gleysin dans le Massif de Puy-Gris. Ce Dieu abandonnait son trône d'Empereur céleste et consentait à devenir un simple ami de l'homme dans ses efforts pour se réaliser.
4 L'inauthenticité des textes
La naissance mithriaque dans les deux
évangiles dits de Matthieu et Luc, situe la scène dans la bourgade de Béthléem
mais pour des raisons et à des périodes totalement divergentes. Je me suis suffisamment
préoccupé antérieurement de l'inauthenticité des évangiles dans "Quel
Nouveau Testament?" et "l'Enigme de
Jésus" pour devoir souligner à nouveau les "effets de réel" des rédacteurs-copistes
médiévaux glosant des textes obscurcis devenus peu à peu illisibles, jusqu'à
ce que leur impression mécanique, rendue nécessaire par suite de la raréfaction
des copistes décimés à leur tour par la peste noire de 1348, jusqu'à ce que
cette impression mécanique vint fixer les textes. L'archéologie du Canon chrétien
ne peut que constater cette évolution continuelle d'écrits que l'on voudrait
"sacrés", c'est-à-dire absolument identiques à travers les siècles, à travers
les révolutions techniques de l'écriture, la division par chapîtres des livres,
la mise en page, la séparation en versets, outre le jeu permanent des fautes
matérielles et l'interprétation individuelle des scribes, qui devinrent pratiquement
à chaque copie les auteurs de nouveaux textes.
Vouloir attester leur authenticité originelle par l'intervention d'une tradition orale ne fait qu'ajouter le ridicule à une volonté de puissance surannée par laquelle l'Etat-Eglise du Vatican cherche encore à établir, à son profit, un gouvernement universel des âmes, et, par là, des corps. La tradition orale donne lieu en effet à des jeux de société amusants par lesquels un premier locuteur recueille finalement,avec stupéfaction ou rires, les modifications orales successives subies par la phrase qu'il avait émise à l'origine. Chaque perception constitue chez l'homme une interprétation. Transformer un auditeur en machine à enregistrer, et sa mémoire en bande magnétique, est peu conforme au livre de "La Genèse" affirmant l'homme créé à l'image de Dieu, sauf si Dieu n'est qu'une machine parlante !
5 La généalogie du Roi des Juifs
La localisation de la naissance du nouveau Mithra
à Bethléem, de même que les deux généalogies du Sauveur, doivent donc s'apprécier
à travers cette évolution temporelle continue. Il ne s'agit en aucun cas d'une
origine historique puisque:
- dans le récit matthéen, Bethléem
est désignée par une référence à l'Ancien Testament.
- dans le récit lucanien, Bethléem
devient la cité où Joseph, habitant Nazareth en Galilée, serait venu se faire
recenser par le fisc romain, alors qu'il n'était pas assujetti à cette
obligation en tant que Galiléen.
Il s'agit à la vérité de fixer la naissance du Sauveur dans cette bourgade, qui serait le lieu de naissance du roi David dont on voudrait faire son ancêtre, afin d'accréditer la qualification de "Roi des Juifs" accolée au nom du Sauveur. Mais, en toute hypothèse, comment David pourrait-il être l'ancêtre du Christ? Celui-ci, en effet, naît directement de l'union divine de la Trinité avec Marie par l'opération du Saint-Esprit. Ce Dieu ne peut se confondre avec celui des Juifs; cette hiérogamie, incestueuse à la mode égyptienne, n'a aucun précédent dans les Ecritures juives.
Rappelons qu'après la décision de Constantin de construire, vers 330, des temples "christianistes" à Jérusalem à la place des lieux de culte élevés par Hadrien dans Aelia Capitolina; et après le premier pélerinage datant des mêmes années; les Lieux Saints du christianisme ont mis onze siècles environ à se structurer: les stations de la Passion supposée de Jésus Roi des Juifs et la via Dolorosa n'ont été imaginées qu'au XVème siècle, l'époque durant laquelle les églises et chapelles se couvrirent de Chemins de Croix.
Il convient donc de rechercher la période à laquelle
la désignation du Christ comme "Roi des Juifs" s'est imposée, avec vraisemblance,
aux consciences des fidèles. Comme cette appellation apparaît pratiquement toujours
au sommet de la Croix salutaire, et que le Sauveur arrose de son sang fertilisateur
la terre entière, cette dénomination vient ainsi caractériser non pas le Sauveur
en tant que tel, mais les Juifs eux aussi nourris par ce sang. L'intitulé "Roi
des Juifs" ne peut être dissocié de l'assassinat supposé du Christ par les Juifs,
qui n' hésitèrent pas à commettre leur crime malgré la qualité royale, c'est-à-dire
divine,de la victime, Roi de la Terre entière et donc de la Judée. Ce crime
supposé devenait triplement condamnable puisqu'il conduisait à crucifier un
homme innocent, un roi, et un dieu. Cette crucifixion régicide et déicide justifierait
tous les pogroms meurtriers et les tortures inventées par un antijudaisme éclatant
pour la première fois, en 1096, à l'occasion de la première Croisade et de l'expédition
de Pierre l'Ermite.
Dans cette perspective le panonceau "Roi des
Juifs" avait pour fonction essentielle non pas de désigner la nationalité de
la victime, mais de stigmatiser l'abomination commise par les Juifs, disait-on
au Xlème siècle, lorsque l'on constata la mort, sur sa croix triomphale, du
dieu fécondateur, afin d'attiser contre eux la haine des Occidentaux puisque,
non seulement Infidèles désignés comme tels par Urbain II, ils étaient devenus
les assassins impardonnables de leur propre roi.
On fit donc naître le Sauveur à Bethléem, non pas parce
que David était son ancêtre (répétons qu'il ne pouvait l'être en aucune manière),
mais parce que 1e Christ était précédemment qualifié de Roi des Juifs puisque
"Roi" de la Terre entière.
Il faut le rappeler fermement, l'antijudaisme occidental n'est pas né d'un supposé déicide régicide que rien ne vient historiquement confirmer. Selon R.Simon, critique acerbe au XVllème siècle, l'antijudaisme s'enracine dans une super-puissance financière de certaines communautés juives en France particulièrement, suscitant la haine des Ordres monastiques dont elle réduisait fortement l'influence sociale; haine telle que Pierre le Vénérable en 1146, dernier Abbé général de Cluny, réclamait du roi Louis VII une expropriation généralisée des Juifs, la répartition de leurs biens au profit des Ordres monastiques (celui de Cluny particulièrement) et leur réduction à l'état d'esclaves des "christianistes". Les paysans d'Europe Occidentale avaient subi au cours des deux siècles antérieurs les "Grandes Faims" qui les obligèrent pour survivre à s'entre tuer pour se nourrir de chair humaine. Ils avaient fini par constater la mort de leur Dieu fécondateur; révoltés ils brisèrent Ses reproductions dans les églises et chapelles au début du Xlème siècle.
Il fallut bien donner une explication à cette mort. Des moines avisés suggérèrent un déicide pour les Juifs, dont la super puissance financière génait considérablement l'expansion capitaliste des Ordres. Urbain II avait qualifié les Juifs orientaux d'infidèles au même titre que les Musulmans. Quelle différence pouvait.-on faire entre les Juifs orientaux et les occidentaux ? Ils devinrent tous des infidèles, méritant des châtiments d'autant plus sévères qu'en crucifiant le Christ, disait-on, ils avaient sacrifié, du fait même, leur propre roi.
En définitive, répétons-le, le Sauveur-Christ, incarné sur terre par l'Empereur des Romains siégeant à Constantinople, vénéré comme source de tout pouvoir, devenu par la volonté constantinienne le Dieu unique par lequel l'unité de l'Empire serait concrétisée, n'a aucune origine juive. Aucun livre de la Bible juive n'a annoncé la naissance d'un Messie Roi des Juifs engendré par une hiérogamie incestueuse, dont l'arrivée sur terre se manifesterait par l'éclat d'un nouveau Mithra, nouveau Soleil, et la lumière de Noël, titre glorieux de l'Empereur romain. En faisant du Sauveur Christ le nouveau Messie des Juifs, les tenants du judéochristianisme s'enferment depuis le milieu du XIX ème siècle dans une attitude hérétique, que l'Eglise-Etat du Vatican tolère pour des raisons d'opportunité. décrites dans "L'erreur du Judéochristianisme".
L'on ignore volontairement les signes envoyés
par l'inconscient collectif et on s'enferme dans les explications les plus oiseuses
de textes déchirés et recousus au fil des siècles, abusivement qualifiés de
"sacrés" pour donner un peu de poids au travail de commentaire, sans cesse recommencé
par les professionnels du divin. La conscience des peuples méditerranéens avait
enregistré, depuis le Vlème siècle avant notre ère, l'histoire légendaire du
roi de Carthage Malchus, incarnation du Dieu phénicien Melqart, et de son fils
Carthalon. .
Ce dernier, prêtre de Melqart, allait régulièrement
à Tyr pour rendre dans son temple, le culte qui lui était dû en lui consacrant
la dîme des butins rassemblés par son père à la suite de ses guerres victorieuses.
Or, au cours d'un de ses voyages, le roi Malchus , son père, eut besoin de son
aide pour une expédition, et lui envoya des messagers afin qu'il revint de suite
à Carthage. Carthalon attendit pour exécuter cet ordre d'avoir terminé les cérémonies
du culte, ce qui représentait une durée assez longue. A son retour, son père
le crucifia dans ses habits de prêtre, en face de la cité de Carthage, pour
n'avoir pas obtempéré immédiatement. Cette légende, connue dans les ports de
la Méditerranée, préfigurait le sacrifice sur la Croix du Fils de Dieu par Dieu
le père, sacrifice mis en scène environ seize siècles plus tard par des consciences
christianisées; Dieu est puissance et veut être obéi (2).
6 Un Sauveur ressuscité et monté aux Cieux
Les quatre évangiles rapportent la résurrection
du Sauveur trois jours après sa mort sur la Croix.
Cette seule constatation suffit à établir la distance
qui, dans le temps, sépare ces textes de la profession de Foi des 318 pêres
réunis à Nicée en 325 sous la direction effective de Constantin. Cette profession
de Foi constitue le premier acte par lequel l'Eglise catholique et apostolique
s'est manifestée; il marque l'existence réelle d'une seule Eglise dans l'immensité
de l'Empire, travaillant sans cesse à unifier celui-ci sous l'autorité de l'Empereur.
Cette profession de Foi a donc une importance capitale sur le plan politique
et sur le plan religieux, puisque l'Eglise se dévoile ici comme l'administration
religieuse de l'Empire transformant désormais ses évêques en agents de l'Union;
alors que certains d'entre eux étaient martyrisés par la justice impériale douze
ans auparavant en Occident, un an seulement en Orient.
" Nous croyons en un seul Dieu et un seul Seigneur Jésus Christ... Lumière de lumière... engendré et non pas créé... qui à cause de nous les hommes et à cause de notre Salut est descendu et s'est incarné, s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté aux Cieux... "
N'insistons pas sur l'absence d'indications quant au lieu et la date de l'incarnation, qu'il eût suffi de préciser pour donner à la profession de Foi une valeur historique. Notons seulement que le Seigneur a souffert en tant qu'homme, d'être homme; la professionde Foi ne comporte aucune mention d'une mort, encore moins d'une mort sur la Croix; elle ajoute que ce Seigneur est ressuscité le troisième jour, voulant signifier que pendant trois jours il aurait pris l'aspect d'un mort, mais qu'il ne pouvait mourir puisqu'il était Dieu, consubstantiel à son père, et cosmocrator c'est-à-dire source de la Vie.
Cette affirmation,il est vrai, n'apportait aucun
élément de surprise aux habitants de l'Empire, les Romains Phrygiens Asiates
Egyptiens en particulier, puisque depuis des siècles, au moins cinq siècles
à Rome même, on célèbrait chaque année, le 25 Mars, la résurrection d'un dieu
incarnant, à l'équinoxe vernal, le renouveau de la terre. Dans le culte métroaque
de Cybèle, les trois jours précédant la résurrection constituaient les trois
jours de deuil durant lesquels les Romains pleuraient la mort d'Attis (Papa)
(3) :
- Le 22 Mars on
coupait un pin, l'arbre du dieu, on processionnait dans la Ville en le portant
jusqu'au temple de Cybèle, où on l'exposait à l'adoration de la foule; ce jour-là,
on allait fleurir les tombes.
- Le 23 Mars était
réservé aux lamentations
- Le 24 Mars, le
jour du sang, représentait le sommet du cycle; on ensevelissait le pin sacré
orné de bandelettes et de fleurs.
- Le 25 Mars on
proclamait la résurrection du dieu; c'était le jour des hilaries.
Les Romains étaient d'autant plus attachés à ce culte et au symbolisme exprimé, qu'ayant acquis en 205 avant notre ère la statue de Cybèle incrustée d'une météorite noire, ils croyaient devoir à cette déesse leur victoire sur Carthage à Zama en 202.
La nouvelle institution religieuse de Constantin, dans la mesure où elle se voulait unique pour signifier l'unité de l'Empire, se devait d'attirer ses futurs "fidèles" en conservant, dans un rituel nouveau issu de la volonté unificatrice impériale, leurs croyances ancestrales. La profession de Foi des Pères de Nicée n'est qu'une première étape dans la christianisation des cultes de la Fécondité, qui sera parachevée par le Concile de Chalcédoine en 451.
Au moment où l'on pourra douter, après les "Grandes Faims" des IXème et Xème siècle de notre ère, de la puissance vitale du Sauveur Christ, le quatrième Concile du Latran en 1215 proclamera le dogme de la Transsubstantiation, et transformera le dieu christianiste en pain de vie de ses fidèles, qui craignaient toujours d'être les proies de terribles famines. Où l'on voit combien la religion du pouvoir promue par l'Etat du Vatican ne peut être universelle; ses rites et sa doctrine restent définitivement marqués par les phénomènes climatiques et le déroulement des saisons de l'hémisphère boréale; elle célèbre une résurrection de son Dieu à la date mobile d'un printemps calculé, mais inconnu dans l'autre partie du Monde.
Faut-il insister sur l'Ascension au Ciel du Sauveur ?
On se satisfera de dire, suivant l'expression populaire,
" que c'était la moindre des choses"
Traditionnellement, à la mort de chaque Empereur dont
les mérites étaient reconnus par le Sénat romain, l'incinération du cadavre
libérait un aigle qui emportait son âme vers l' Olympe où il venait sièger en
tant que divus ; cet Empëreur recouvrait sa divinité d'origine. Le Sauveur cosmocrator,
dont tout pouvoir dépendait, n'avait besoin ni de bûcher ni d'aigle pour retrouver
son séjour dans le Ciel; il lui suffisait de le vouloir sans considération pour
la faiblesse de ses supposés apôtres, chargés de répandre une Eglise qu'Il n'avait
point fondée.
. Références
bibliographiques
(1) Cf. A.J.FESTUGIERE -"La Révélation d'Hermès Trismégiste"
Tome l -pages 324 et 325 Editeur Les Belles Lettres -Paris RETOUR
(2) Cf. "Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique"
Article Malchus -Page 271 Editeur Brépols -Turnhout RETOUR
(3) Cf. R.TURCAN -"Les cultes orientaux dans le Monde romain" Pages
50 et suivantes Editeur Les Belles Lettres -Paris RETOUR
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