I Un seul sauveur aux visages multiples | |
II Au temps des prophètes, le triomphe de l'oralité | |
III La conversion des chrétiens au christianisme |
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1 Le Sauveur selon l'évangile dit
de Marc
1 Le dieu-esclave
2 La localisation des masses serviles 3 La révolte de Spartacus et ses conséquences 4 Spartacus Imperator divin 5 Chrestus; prophètes et prophètesses 6 Le mouvement chrétien d'insoumission et son évolution |
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le christ au galet (
S DALI )
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SOMMAIRE
1 Le
dieu-esclave
2 La
localisation des masses serviles
3 La
révolte de Spartacus et ses conséquences
4 Spartacus,Imperator
divin
5 Chrestus;
prophètes et prophètesses
6 Le
mouvement chrétien d'insoumission et son évolution
1 Le dieu-esclave
Dans les multiples visages pris par le Sauveur
Christ, il en est un pour le moins surprenant: celui d'esclave, sur lequel insiste
Léon 1er, évêque de Rome,dans une lettre à Flavien,
évêque de Constantinople, au sujet d'Eutychès; cette lettre
est insérée dans les Actes du Concile oecuménique de Chalcédoine
en 451 qui a repris l'expression dans sa définition de la Foi:
"
Il (le Concile) chasse ceux qui disent dans leur délire que la forme
d'esclave que le Christ a reçue... est céleste.... "
Le Sauveur possède en une seule personne les deux natures, divine et
humaine:
"
Il est en tout semblable à nous, sauf le péché "
Ces affirmations ne sont pas aussi définitives
qu'elles le voudraient, et provoquent plusieurs interrogations :
Jésus Christ a-t-il vécu comme un
esclave sur terre ? Evidemment non! Il suffit de le voir rassembler les foules
autour de lui, guérir les malades, ressusciter les morts, pour conclure
qu'il n'est pas un simple outil de production en la possession d'un propriétaire.
Il va et vient en toute liberté, ne dépend de personne, ne tient
même pas compte des humeurs de sa famille.
Sans doute, pouvons-nous dire que Léon
1er.,évêque de Rome,était l'esclave de sa propre volonté
de puissance, l'esclave de ses passions. Mais le Sauveur, en sa forme d'homme,
se distingue de nous puisque, sans péché, il n'est l'esclave d'aucun
penchant.
En outre, ce dieu-esclave est l'antithèse
même du dieu de la Fécondité proclamé et mis sur
sa Croix triomphale par ce Concile de Chalcédoine. Ce dieu-ci est en
effet celui de la richesse, des grasses moissons, des fruits mûrs, et
des forêts ombreuses; il n'a rien qui puisse rappeler le statut d'un esclave
exploité.
A l'examen, la raison de l'affirmation du dieu-esclave
ne peut être que de nature sociologique.
Le Vème siècle en Occident romain
a vu le sac de Rome en 410 par les Wisigoths d'Alaric, puis leur départ
pour le royaume d'Aquitaine en 418. Il connut une situation politique de plus
en plus dégradée. Les esprits s'affolèrent dans les années
453, dans la crainte d'une invasion de la Ville par Attila et ses Huns. Une
ambassade conduite par Léon 1er réussit à les en dissuader,
mais ne put empêcher un deuxième sac de Rome, en 455, par Genséric
et ses Vandales. Les Barbares Ricimer et Odoacre firent bientôt la loi,
et ce dernier enterra l'Empire d'Occident en se nommant Roi d'Italie en 476.
Tout l'Orient, pour sa part, était agité du fait de la persécution
des "Païens" par les bandes noires de moines christianistes agissant
sur ordres des évêques ou patriarches à partir de Alexandrie,
Jérusalem, Antioche,Constantinople etc...
L'agitation politique et militaire ne faisait
que traduire le désarroi des esprits, si bien que dans ce climat d'anarchie
l'on pouvait craindre sérieusemen tune disparition brutale de l'Ordre
romain, laissant à chacun, devant la vacuité du pouvoir, la liberté
d'agir à sa guise; ouvrant ainsi aux millions d'esclaves exploités
dans l'Empire un chemin vers leur libération. Bref, toute l'organisation
économique fondée sur cette exploitation, depuis au moins le IIIème
siècle avant notre ère, était virtuellement menacée.
Les Pères conciliaires de Chalcédoine,
tenants obligés de cet Ordre dont ils vivaient, élaborèrent
des formules "sacrées", puisqu'écrites, aboutissantà
une "divinisation" de l'état servile: le Sauveur-Christ,dans
sa mise en Croix triomphale de Fécondateur, pouvait paraître incarner
symboliquement cet état,faisant de chaque esclave, de facto, une représentation
de son image. L'esclavagisme devenait sur terre une manifestation privilégiée
de la Providence, et chaque esclave était d'autant plus assuré
des récompenses célestes qu'il agissait en esclave, c'est-à-dire
obéissant pleinement aux ordres de ses maîtres; ceux-ci
ayant été choisis par Dieu lui-même, origine de tout pouvoir.
L'état servile devenait l'expression suprême de la religion du
Sauveur-Christ; l'exploitation de l'homme par l'homme disparaissait derrière
l'écran de l'obéissance devenue la première des vertus
théologales, et la garantie des promesses divines.
2 La localisation des masses serviles
Ceci, en définitive, nous renseigne précisément
sur l'origine sociologique des mouvements chrétien et pro-christianiste
.Si ces mouvements, puis le christianisme, n'avaient pas rassemblé des
esclaves, quelle nécessité y aurait-il eu de "diviniser"
l'esclavage dans une période ô combien troublée?
C'est ici que survient la nécessité
d'archéologiser le Canon dit chrétien.
Non pas qu'il s'agisse de torturer les textes
en notre possession, imprimés pour la première fois dans la dernière
décade du XVIème siècle, et déclarés"divinement
inspirés" par le Concile de Trente, 44 ans auparavant. Ces textes,
nous le savons, constituent des épaves déchirées, les restes
de livres manuscrits transformés au fil des siècles par l'imaginaire
des scribes et leurs doigts endoloris ou déformés par les rhumatismes
et engelures développés dans les froids scriptoria conventuels;
raturant des mots ou phrases entières, glosant, incorporant leurs commentaires
dans les textes "sacrés" pour leur donner un sens qui leurconvint,
ces scribes ont recréé à chaque fois un passé à
leurs dimensions, une histoire éclairée par les dieux ou le Sauveur
suscités par les impératifs de leur conscience.
Il ne s'agit donc pas de s'appesantir sur les
conditions de l'écriture de la sixto-clémentine, puisque nous
l'avons fait dans "La fabrication d'un textesacré". Il nous
incombe de tenter de "ressusciter" les milieux serviles et prolétaires,
qui, à partir de l'an 50 avant notre ère, dessinèrent progressivement
le visage du Sauveur exigé par leur déréliction.
La prise de conscience de leur état de
servitude dans toutes ses conséquences ne put être ni unanime ni
instantanée compte tenu de la dispersion des individus en petites unités
d'exploitation, principalement dans les latifundia. Il y avait certes des esclaves
dans les mines ou carrières, ou dans des fabriques artisanales de métallurgie
ou de céramique; mais l'économie dans sa globalité était
dominée par l'agriculture, l'élevage, et le forestage qui augmentait
les surfaces cultivables. A partir de la fin du IIIème siècle
avant notre ère, les grands domaines se développèrent du
fait de l'augmentation très sensible du nombre d'esclaves, conséquence
des victoires militaires sur différents ennemis. A son tour, ce développement
exigea une main-d'oeuvre servile de plus en plus importante pour tenir compte
à la fois de l'extension et de la multiplication des domaines dans les
Provinces et d'un très fort taux de mortalité.Aussi bien, les
propriétaires s'obligèrent-ils à obtenir des femmes-esclaves
à leur service, outre leurs travaux habituels, une descendance gratuite,
dans l'espoir que les nouveaux-nés, esclaves dès leur naissance,
deviendraient rapidement des éléments productifs.
Cette dissémination de la plus grande partie
de la masse tendait à un isolement d'autant plus vivement ressenti que
l'ensemble de la population de l'Empire romain s'éleva, lors de sa plus
forte expansion sous Trajan, à environ 60 millions d'habitants, pour
retomber ensuite à 55 millions, voire moins. La densité globale
de la population était donc très faible rapportée à
l'immensité de l'Empire s'étendant du mur d'Hadrien en Ecosse
aux rives de l'Euphrate en Asie. Le Monde servile, à proprement parler,comptait
alors vraisemblablement 20 millions de personnes; le marché de Délos
enregistrait à lui seul dix mille ventes par jour. Les prolétaires,
le plus souvent petits paysans ruinés, vivant essentiellement des dons
de nourriture par l'Empereur ou des évergètes municipaux,rassemblaient
environ le même nombre de personnes, dont la situation désespérée
poussait nombre d'entre elles à se vendre comme esclaves.
Toutefois cette situation potentiellement
explosive n'aboutit jamais à des mouvements sociaux prolongés
de contestation, sauf les révoltes organisées par d'anciens militaires:
- à
la fin du deuxième siècle avant notre ère en Sicile: en
136 -132, puis de 104 à 101;
- et la révolte
de Spartacus en 73 -71.
3 -La révolte de Spartacus et ses conséquences
La révolte dirigée en l'an 73 avant
notre ère par Spartacus, d'origine Thrace, eut un retentissement considérable
dans tout l'Empire. Pour la première fois Rome était directement
menacée par des esclaves sur le sol italien. En deux ans, Spartacus écrasa
cinq armées romaines. De Capoue, il atteint au nord la Gaule Cisalpine,
où de nombreux compagnons gaulois le quittèrent, qui préféraient
tenter de regagner leur pays d'origine. Il revint en Italie pour se livrer au
pillage; ses forces réduites furent finalement battues en 71 par Crassus,
ancien lieutenant de Sylla ,qui reçut l'aide de Pompée le Grand
revenu d'Espagne. La défaite, à la mesure des espoirs soulevés,
immenses, provoqua en retour un choc d'autant plus dévastateur que la
répression de Crassus fut d'une cruauté inouie dévoilant
les craintes extrêmes éprouvées par Rome; la littérature
du milieu de ce siècle avant notre ère resta marquée par
ces milliers de crucifixions punitives.
Il se creusa un fossé de haine inexpiable
entre les propriétaires romains et les individus les plus évolués
du monde servile. Mais, compte tenu de l'hétérogénéité
de la masse des esclaves, l'Europe occidentale ne connut aucune autre révolte
véritablement alarmante avant le début du XIème siècle
de notre ère, où, en France notamment, les "Grandes Faims"
poussèrent les paysans à pratiquer l'anthropophagie et à
se révolter contre leur Dieu Fécondateur.
Les réactions furent donc de nature psycho-sociologique,
en quête d'éléments pouvant donner des raisons de vivre,
alors que tout espoir d'une libération par la force armée était
définitivement exclu. Certes, des philosophes stoïciens pensèrent-ils
que les hommes étaient égaux par nature. Cependant, l'abîme
entre les classes sociales était si profond que les esclaves ne pouvaient
attendre leur Salut que d'eux-mêmes.
Dans l'immensité de l'Empire, la très
grande majorité des esclaves, illettrée, resta répartie
en troupeaux de bêtes aux champs; toutefois, quelques individus épris
de liberté, conscients de leur identité, s'enfuirent de leurs
lieux de travail pour grossir les rangs du banditisme (1)
devenu depuis le règne d'Auguste un véritable
contre-pouvoir;; à l'exception également de quelques personnes
lettrées transformées en intendants ou précepteurs; sans
omettre l'amour réciproque et sincère qui unit, en de très
rares occasions, patron ou matrone à un ou une esclave.
Les agglomérations urbaines, par contre,
créaient des proximités, et suscitèrent, de facto, des
groupements plus ou moins importants, rassemblant à des moments propices
les rebuts humains de la Société romaine, profondément
meurtris dans leurs espoirs annihilés, se cherchant une identité
leur donnant une raison de vivre, se perdant en des rêves eschatologiques
de revanche définitive venant compenser finalement l'inhumanité
de leur situation présente.
4 Spartacus, Imperator divin
Ces illusions de triomphe final sur leurs exploitants
dessinaient une image plus ou moins précise d'un Chef, d'un Sauveur qui
les conduirait au succès. Ce travail d'élaboration, en grande
partie inconscient, faisait inévitablement ressurgir la figure de Spartacus,
le Chef tant aimé pour ses qualités exceptionnelles de bravoure,
ses victoires, son charisme lumineux d'Imperator, à l'instar d'un Marius
providentiel vainqueur en 102/101 des Cimbres et Teutons , terreur des armées
romaines . La personnalité religieuse de Spartacus, grandie par ses relations
privilégiées avec Sabazius, divinité thrace depuis longtemps
confondue avec Dionysos, transformait celles-ci en une véritable assimilation;
un culte personnel lui était rendu de son vivant, préfigurant
le culte impérial plus tardif. La personnalité de Spartacus obsèdait
d'autant plus les imaginations que, blessé lors de la dernière
bataille contre Crassus, il avait disparu du champ emporté sur un char,
disait-on, par sa compagne, la prophètesse de Sabazius-Dionysos. L'on
se disait qu'il reviendrait une fois rétabli dans sa puissance guerrière,
pour donner à ses fidèles la victoire éclatante espérée
sur leurs exploitants.
Ce travail psychologique, individuel et collectif,se
concrétisa d'une double manière:
-d' une part
la création de communautés diverses regroupant des esclaves logés
dans des villas ou immeubles voisins; liés entre eux fraternellement
par des rêves identiques et la même identité exclusive. Il
se produisit inévitablement des heurts parfois violents entre ces communautés
du fait de cette pensée d'exclusion qui conduisait chacun à croire
que son Sauveur était le seul existant. Le "Contre-Celse" attribué
à Origène décrit sans fard ces réalités.
Le plus fort finalement mangea le plus petit; la diversification aboutit par
regroupements successifs à quelques unités à l'intérieur
d'une même ville: Rome, Antioche, Alexandrie, Pergame, Tarse, puis Carthage
reconstruite par la volonté d'Auguste.
-d'autre part,
l'apparition de prophètes ou prophètesses mûs par la force
hallucinatoire de leurs convictions, de leur Foi en un Sauveur dont ils contaient
les faits et gestes, les miracles, les victoires sur ses ennemis, un Sauveur
qui ne mourait pas, toujours présent, toujours agissant (2);
Sauveur dont ils se prétendaient quelques fois les envoyés, les
compagnons, à l'instar de la compagne prophètesse de Spartacus.
Y-avait-il un prophète par communauté,
un pour plusieurs communautés en fonction de leur proximité ou
affinités électives? Très vraisemblablement ces prophètes
ou prophètesses se déplaçaient d'immeuble en immeuble,
de quartier en quartier, puis de ville en ville. Ils furent un élément
déterminant dans l'harmonisation des croyances et plus tard la création
d'un système religieux. La fonction se maintint jusqu'à la fin
du IIème siècle, au moment où l'écriture s'imposa
comme moyen de communication.
5 Chrestus; prophètes et prophètesses.
Ces prophètes et prophètesses se manifestaient en orateurs aux
charismes divers, capables parfois de susciter des mouvements d'humeur au sein
de leurs communautés; Suétone nous en donne un exemple précis
dans sa "Vie de l'Empereur Claude" (41 à 54). Un groupe important
d'esclaves, probablement plusieurs centaines, manifesta son hostilité
à des mesures imposées, dont nous ne savons rien, en se référant
à un certain Chrestus, sur lequel l'historien ne nous donne aucun détail;
nous savons seulement que c'est un nom de personne déjà employé
par Cicéron; et que Claude, soucieux d'une bonne discipline, dans son
hostilité à toute manifestation de ce genre, chassa de Rome une
colonie juive.
L'interprétation conventionnelle de cet
incident confond rapidement Chrestus et Christus, et assimile ces esclaves à
des religionnaires juifs, ce que Suétone n'affirme pas. Qu'il y ait eu
des Juifs parmi les prostestataires est plus que certain. En effet, à
cette époque il devait y avoir à Rome de 20.000 à 30.000
esclaves juifs, depuis les campagnes de Pompée en Syro-Palestine dans
les années 64/62 avant notre ère . De plus, ces Juifs ne pouvaient
naturellement que mettre en doute la puissance de leur ancien dieu Jehovah,
puisqu'il avait été incapable de les soutenir victorieusement
dans leur combat pour maintenir son culte; leur état de servitude les
conduisait à rechercher une nouvelle divinité plus efficace.
L'on ne saurait en outre, quoi qu'on veuille,
confondre Chrestus et Christus. Ce dernier naît avec Constantin au IVème
siècle, et le chrisme apparaît pour la première fois sur
les bannières, médailles et monnaies de cet Empereur pour signifier
son origine divine d' "oint" du dieu unique.
Chrestus, signifiant le Bon, pourrait-être le
sobriquet accolé à un esclave aux qualités particulièrement
remarquables lui permettant d'exercer une forte influence. Il appartenait sans
doute à cette catégorie des "prophètes", serviteurs
de la parole, suffisamment convaincants pour obtenir de nombreuses adhésions.
Ses affidès furent désignés plus tard comme des chrestiens
ou chrétiens; l'appellation marquait l'hostilité des membres à
la Société romaine dans toute son organisation;
reconnaître être chrétien signifiait la mort. La question
de l'application de ce châtiment fut débattue sous Trajan (98 à
117); quelques exemples sous Marc-Aurèle (Justin en 167, les compagnons
de Blandine à Lyon en 177) illustrèrent cet état volontaire
d'insoumission qui fit courir aux chrétiens un risque mortel jusqu'à
la fin de la période historique de l'Empire, à la mort de Commode
le 31 Décembre 192.
6 Le mouvement chrétien d'insoumission et son évolution
Le mouvement chrétien à ses origines apparaît donc, très
nettement :
- non comme
l'implantation progressive d'une religion à vocation universelle
-mais comme
l'expression forte d'un refus de l'organisation socio-capitaliste dirigée
par l'aristocratie romaine; au risque de la vie des militants du mouvement,
des citadins essentiellement.
En effet, si ce mouvement avait exprimé
une religion bien établie comme la religion juive d'avant la catastrophe
de 70, ses adhérents n'auraient été ni pourchassés,
ni martyrisés, puisque cette religion juive était officiellement
autorisée depuis au moins le principat de Claude (41 à 54), et
le resta continuellement même après la christianisation de l'Empire.
La supercherie des hagiographes écrivant
après le IVème siècle est évidente puisqu'ils mettent
en scène les souffrances de milliers de martyrs.
G.Boissier dans "La fin du paganisme"
(Tome 1er. pages 386 à 394) rappelle qu'en 496, selon l'évêque
de Rome, Gélase, les Acta Martyrum n'avaient pas d'auteurs connus et
que" des mains infidèles ou ignorantes les ont surchargés
de détails inutiles ou suspects". Tillemont, au XVIIème siècle,
en rejette un très grand nombre et signale des fautes grossières
contre l'Histoire; puis, Dom Ruinart, voulant trier cette masse énorme
de récits légendaires, n'en trouva que cent vingts (120), qui
lui semblèrent irréprochables (Acta primorum martyrum sincera
-1689); actes contre lesquels Voltaire exerça son impitoyable raillerie.
G.Boissier se demande pourquoi une si grande rareté
de textes durant les trois premiers siècles de notre ère? La réponse
qu'il fait sienne, c'est qu'ils furent détruits dans leur très
grande majorité du fait de la persécution de Dioclétien.
Toutefois, l'on ne saurait se contenter d'une telle affirmation. Les Acta Martyrum
constituaient d'abord des documents officiels relatant les raisons des décisions
extrêmes prises par les représentants attitrés de l'Autorité
romaine; pièces administratives qui échappaient donc à
la censure dioclétienne.Il faut se contenter de rapprocher le nombre
des "martyrs" de celui des Acta, tout en reconnaissant que:
" sous
la forme où nous les avons, la plupart des Actes des Martyrs méritent
peu de confiance" (3)
" Il
n'y a guère de moyen de s'en servir pour avoir quelque idée du
nombre des victimes"
Le mouvement chrétien de révolte
contre la Société romaine, qui otait toute humanité aux
esclaves, consistait essentiellement en une recherche d'identité,en une
recherche de moyens d'existence pour des gens réduits à l'état
d'outils de production, dont la faim de vie exigeait finalement une victoire
définitive, même si éloignée, sur leurs propriétaires.
C'est cette finalité eschatologique, compensant les désespoirs
immédiats obnubilant les imaginaires des opprimés, qui, dans un
monde à la religiosité à fleur de peau, conduisit les affidés
de Chrestus à se doter progressivement d'un Chef rêvé suffisamment
puissant pour vaincre l'Empereur de Rome, dans un avenir de bonheur et de gloire.
Très vraisemblablement, ce Chef, ce Sauveur, dont ils attendaient des
miracles devait emprunter les traits significatifs de l'Imperator "divin"
Spartacus; ses victoires fulgurantes sur les armées romaines confortaient
leurs espoirs d'une revanche totale. Peu à peu, d'une révolte
à caractère socio-politique, l'on passait, le temps s'écoulant,
à une Foi de nature religieuse, et à l'explicitation d'une doctrine
pour la charpenter.
En définitive, la religiosité des
chrétiens aboutissait à l'adoration d'un Sauveur, toujours présent
et agissant pour le bien-être de ses fidèles à travers leurs
désespoirs, même si on ne le voyait pas, aussi puissant que l'Empereur
de Rome, dont il devenait en quelque sorte un frère ennemi. L'évolution
collective, à un moment précis, de la partie la plus influente
du mouvement chrétien conduisit celui-ci à conclure à l'identification
totale de l'un et de l'autre, et à accepter de rendre à l'Empereur
de Rome à Constantinople le culte dû au représentant sur
Terre du dieu unique en lequel ils croyaient.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
(1) Cf. APULEE -"Les
Métamorphoses" -Livres IV -VI -VII Edition bilingue -Les Belles
Lettres -Paris RETOUR
(2) Cf. W.KELBER
-"Tradition orale et Ecriture" -Lectio Divina Editeur Le Cerf -Paris
RETOUR
(3) Cf. G.BOISSIER
"La fin du paganisme" 2ième édition tome 1er,pages 386
à394-Editeur Hachette et Cie-Paris
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