Le
Christ devant Pilate ( Le TINTORET )
I Brève histoire des origines de la religion chrétienne | |
II La question de Pâques | |
III L'invention de l'ère chrétienne | |
IV L'erreur du judéo-christianisme | |
A) L'ORIGINE ROMAINE DU CHRISTIANISME
B) LA HAINE DES JUIFS POUR JESUS C) L'UTILISATION DE LA SEPTANTE D) DES ACTES D'APOTRES E) L'ANTI-JUDAISME CHRETIEN F) L'INVENTION DU JUDEO-CHRISTIANISME G) DIFFUSION DU CONCEPT H) ROLE DES INSTITUTIONS UNIVERSITAIRES A) L'ERE CHRETIENNE:
UNE DATATION MODERNE
B) LA DETERMINATION DE L'ANNEE DE REFERENCE C) LA SIGNIFICATION DE L'ANNEE DE REFERENCE D) LA ROMANISATION DU TEMPS CHRETIEN
A)
DIFFUSION ET SIGNIFICATION DU RITE PASCAL
B) LE CONCILE DE NICEE C) TABLES ALEXANDRINES / SUPPUTATIO ROMANA D) ESSAI DE CORRECTION SOUS LEON PREMIER E) LE COMPUT DIONYSIEN F) LE CALENDRIER GREGORIEN A) PREAMBULE
B) UNE PREHISTOIRE CHRETIENNE C) UNE PROTOHISTOIRE CHRETIENNE D) AVENEMENT HISTORIQUE DU CHRISTIANISME La bombe de l'apocalypse ( S DALI ) |
SOMMAIRE
A) L'ORIGINE ROMAINE DU CHRISTIANISME
B) LA HAINE DES JUIFS POUR JESUS
C) L'UTILISATION DE LA SEPTANTE
D) DES ACTES D'APOTRES
E) L'ANTI-JUDAISME CHRETIEN
F) L'INVENTION DU JUDEO-CHRISTIANISME
G) DIFFUSION DU CONCEPT
H) ROLE DES INSTITUTIONS UNIVERSITAIRES
A L'ORIGINE ROMAINE DU CHRISTIANISME
Nous avons dû fréquemment recourir pour nous
documenter à "L'histoire ancienne de l'Eglise", volumineux travail de Mgr.Duchesne,
connaisseur érudit des sources anciennes, indiscutable autorité dans son domaine,
même s'il écrit dans le premier quart du XXème siècle. Le dernier tome relatif
à "L'Eglise au V1ème siècle" traite en son 7ème chapitre du césaropapisme, à
propos de Justinien, et précise (p.261) : " l'Empire est tout entier chrétien;
la religion chrétienne est sa religion publiquement professée, propagée et défendue
par l'Etat; en lui on ne peut que voir le pays d'origine et le principal domaine
de l'Evangile. Dans l'Empire, l'Empereur est le tuteur de l'Eglise et comme
son chef extérieur...."
Si, dans l'Empire romain Orient et Occident confondus,
on ne peut que voir le pays d'origine de la religion chrétienne, celà
nous conforte dans l'opinion que, à la fin du dernier siècle avant notre ère
et dans le 1er.siècle de notre ère, cette ère vulgaire étant calculée à partir
de la construction de Rome, la religion chrétienne existait potentiellement
dans tout l'Empire. Cette allégation très vraisemblable nous renvoie à la question
de la Pâque et aux calculs annuels de la néoménie de l'équinoxe vernal, pour
constater que, même pour déterminer cette lunaison, les Tables alexandrines
adoptées par Rome en 526 ne font référence à aucun élément du calendrier juif,
mais s'appuient sur le cycle lunaire de 19 ans inventé par Méton, astronome
athénien du Vème siècle avant notre ère.
Les Chrétiens n'ont pris à la religion juive
que le nom de la fête; celle-ci représentait pour eux la fête la plus importante
de leur calendrier religieux; est-ce une raison suffisante pour affirmer que
les deux religions étaient confondues à l'origine et qu'en conséquence tout
Chrétien est un Juif, tout Juif un Chrétien?
B LA HAINE DES JUIFS POUR JESUS
Nous revenons donc aux sources constituées par les écrits canoniques des Chrétiens pour remarquer que selon leurs propres pasteurs actuels: " la Bible a été écrite par des croyants pour des croyants.......Dans la Bible, ne cherchons pas l'Histoire, mais l'Histoire Sainte...." (1) Qu'est-ce qu'une histoire sainte, sinon une hagiographie ? C'est-à-dire des récits légendaires incorporant quelques faits connus. Ces pasteurs pensaient consolider leur prédication en la situant d'emblée dans l'irrationnel, alors que toute religion doit se fonder sur la raison, et non sur la superstition, la magie, le miracle et les fantasmagories peintes , ou sculptées.
La religion est une recherche de plus- être,
une action ontologique telle que définie depuis l'Antiquité par de si nombreux
philosophes; elle n'est pas une doctrine légitimant ou, mieux, sacralisant le
pouvoir des puissants au service desquels ses prêtres s'emploient pour obtenir
une obéissante passivité de leurs "sujets". Finalement, ces pasteurs, adeptes
du principe d'autorité, confirment ce que Edouard Reuss a établi, il y a environ
un siècle et demi; les évangélistes n'ont pas écrit une biographie de l'homme
Jésus.
Mais, faisons comme si ! ...
L'homme Jésus est présenté au lecteur des Evangiles
comme un Galiléen. .Selon Joseph Halévy, la Galilée, étymologiquement Gelil
Haggoyim - cercle des Païens - est le pays des étrangers voire des ennemis.
C'est un très ancien pays cananéen, autrefois incorporé au royaume du Nord,
Israël, royaume disparu depuis la fin du Vlllème siècle avant notre ère. Il
fut occupé et férocement colonisé par les Hasmonéens au commencement du dernier
siècle avant notre ère; ceux-ci imposèrent aux habitants leur religion juive,
pensant que la force suffirait à créer la croyance en Yhawhe.
Les Judéens, ou Juifs du Sud, avaient si peu
d'estime pour les Galiléens en général et Jésus en particulier que, dès le début
de sa vie publique et ses premiers miracles, les pharisiens "réunirent aussitôt
un conseil avec les Hérodiens contre (lui), afin de le faire périr" (Marc III
-6); un peu plus tard les scribes venus de Jérusalem disaient: " il a Beelzéboul.
C'est par le chef des démons qu'il chasse les démons" (Marc III -22). Beelzéboul
était le Baal des phéniciens, traité ici de fumier.
Jésus représentait un ennemi religieux pour les
Judéens. Si donc la religion chrétienne trouve ses véritables origines dans
la doctrine du Galiléen Jésus, comment pourrait-elle se confondre avec celle
des Juifs qui traitait celui-là d'adorateur de "Baal le fumier", et le firent
à la fin mourir sur la croix ?
C L'UTILISATION DE LA SEPTANTE
Mais il y aurait, dit-on, une origine commune
des deux religions en ce qu'elles tiendraient le même livre pour Ecriture sacrée:
La Septante. Il convient donc de rappeler à ce sujet que:
- La Septante était
destinée à permettre à l'Administration du Pharaon d ' Egypte d'appliquer aux
très nombreux Juifs d'Alexandrie, qui parlaient le grec exclusivement, la Loi
et les usages dont ils se réclamaient. Avant d'être un livre religieux commenté
dans les synagogues égyptiennes, et peut-être quelques autres dans la Diaspora,
c'était un texte juridique et judiciaire rangé dans la bibliothèque du musée
d'Alexandrie.
- En Palestine,
du temps supposé de Jésus, les livres saints étaient rédigés exclusivement en
hébreu; la langue vernaculaire, utilisée et parlée par toute la société, était
l'araméen, d'où l'obligation de traduire immédiatement l'hébreu en araméen à
chaque lecture dans une synagogue. Ni Jésus, ni ses disciples n'auraient pu
connaître la Septante : parlaient-ils le grec ? oui, celui de la Koïné, le langage
populaire de l'Empire. Etaient-ils instruits du grec technique et littéraire
? certainement pas. (Actes IV -13)
- Les rabbis judéens,
dans leur immense effort pour reconstruire leur religion après la catastrophe
de 70, la destruction de Jérusalem et de son Temple par Titus, n'admirent ,jamais,
la Septante au rang de leurs livres sacrés; quelques uns d'entre eux traduisirent,
de l'hébreu en grec, une Bible juive, au début du 2ème siècle de notre ère.
- Enfin, tous les
traducteurs actuels de la Septante parlent d'une appropriation du texte par
les Chrétiens. Pour s'approprier quelque chose, il faut exister; cette appropriation
fonde l'existence d'au moins une préhistoire spécifiquement chrétienne et non
judéo-chrétienne.
Il y aurait surtout les "Actes d'Apôtres" livre
sacré des Chrétiens, qui ne parlent que de la Palestine comme lieu d'origine
de leur religion; celle-ci aurait donc été juive. C'est considérer ces Actes
comme un livre d'histoire, ce que refusent à bon droit les pasteurs catholiques
de notre temps. En fait, le livre, malgré son titre, ne parle pas "d'Apôtres";
un apôtre est un envoyé, un missionnaire; l'Evangile dit de Marc (XVI -15,20)
montre les disciples de Jésus " quant à eux, ils partirent prêcher partout "
exécutant immédiatement l'ordre de leur Maître:
"
Allez par le Monde entier., proclamez l ' Evangile à toutes les créatures "
Dans les " Actes " les disciples reviennent après
l'Ascension au Mont des Oliviers à Jérusalem, et s'enferment " dans une chambre
haute ", se confinant en prières, donnant un successeur à Judas et attendant
l'Esprit Saint, qui vint à la Pentecôte; Ils exécutèrent alors l'ordre reçu:
" vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et
jusqu'aux extrémités de la Terre".
De quelle Terre s'agit-il ? A l'évidence, de
l'Empire romain; mais, seul, Paul Juif de Tarse et citoyen romain ira à Rome
pour se faire juger par un tribunal impérial. On ne saurait mieux dire qu'il
n'y avait aucun lien entre cette personnalité juive et le mouvement des affidés
de Chrestus décrit par Suétone sous l'Empereur Claude.
Ce livre conte aussi le récit d'Actes d'Apôtres autres que Paul, magnifié par un hagiographe. Cependant le chiffre de 12 marque une indétermination symbolique par référence au 12 divinités zodiacales. Pour évangéliser la " Terre entière ", même cernée par les frontières connues de lEmpire romain, il aurait fallu des milliers de missionnaires, instruits, sachant quel pays ou région visiter, exécutant un ordre précis, au lieu des paroles trop vagues du Christ avant son Ascension. Notons toutefois que l'auteur de la première épître aux Corinthiens, telle qu'elle nous est parvenue, précise que Jésus-Christ ressuscité est apparu à plus de 500 frères à la fois (XV -6). Ajoutons que l'épisode de l'enfermement de Saul à Damas et son échappée, de nuit, dans une corbeille parce que " les portes de la ville sont gardées jour et nuit " (Acte IX -21, 25) rend totalement irréaliste la scène de l'arrestation de Jésus, de nuit, dans l'oliveraie de Gethsémani : Jérusalem était aussi une ville fortifiée, ses remparts percés de quelques portes gardées jour et nuit par des soldats romains; ceux-ci n'auraient jamais autorisé une troupe juive armée,à sortir, -,ce qui pouvait signaler, au moment de la Pâque, le début d'une émeute, qu'ils avaient pour consigne d'empêcher.
Assurément, il y avait à Rome, depuis les campagnes
de Pompée en Asie Mineure, Syrie, Palestine et jusqu'àJérusalem , des milliers
d'esclaves juifs d'autant plus désespérés et avides d'une revanche contre les
Romains et contre Yhawhé que celui-ci les avait lâchement abandonnés au moment
où ils luttaient pour son culte; pensaient-ils que la puissance de leur Dieu
ne pouvait rien contre l'accumulation de sacralité manifestée par la multitude
des temples de Rome ? Il leur fallait une autre espérance, un autre Sauveur
comme à tous les affidés de Chrestus. En Asie Mineure, Syrie et Palestine, existaient
aussi d'autres esclaves possédés par les Romains, et d'autres hommes libres,
opprimés, rêvant d'une libération prochaine, de " lendemains qui chantent"
, pré-chrétiens enclins à l'insoumission. La révolte des Juifs restée strictement
juive, alimentée par leur religion nationaliste, aboutit à un désastre sans
nom, qui priva un peuple d'une Patrie pendant 2.000 ans.
Les Chrétiens restèrent des insoumis pendant
deux siècles jusqu'à ce que leurs " lettrés" pactisent avec un Empereur romain
habile en politique, qui sut leur faire accepter la christianisation, c'est-à-dire
sa divinisation de son vivant. On voit bien, là, quelle différence essentielle
sépare la religion juive et la religion chrétienne. La première est une religion
strictement nationale et nationaliste, par la pratique de laquelle les Juifs
restèrent un peuple soudé malgré les diasporas, habités par l'espoir de retrouver
leur Patrie, un espoir entretenu par la psychose collective du peuple élu de
Yhawhé. La religion chrétienne fut et demeure la religion de l'Empire romain,
animée par le principe d'Autorité, voyant une image de son Dieu en toute personne
ayant un commandement; son objectif consistait, non pas dans la reconquête d'une
Patrie comme les juifs, mais dans l'obtention d'une place au Ciel pour chacun
de ses fidèles, méritée par l'obéissance à ses commandements.
Ici, vient naturellement la constatation que
la religion juive, si exclusive, ne chercha jamais à convertir en masse d'autres
populations, cela aurait eu pour effet d'incorporer dans le peuple juif, des
étrangers, des goyim, pour lesquels le Monde n'avait pas été créé : d'après
le récit de la Genèse, Adam, le premier homme à " l'image de Dieu ", aurait
engendré directement la race juive, en deçà et au-delà du Déluge. Cette religion
si étroitement nationaliste fut, durant tout l'Empire romain, acceptée par les
Autorités comme religio licita; sans doute, quelques bandes de moines chrétiens
après le IVème siècle, pourchassant des "païens", s'en prirent-elles de surcroît
à des Juifs, mais ceux-ci n'ont jamais connu de persécution organisée et poursuivie
pendant plusieurs siècles. Une seule loi fut spécifiquement édictée à leur encontre
par les autorités romaines: l'interdiction de posséder des esclaves chrétiens;
comme la très grande majorité des esclaves était chrétienne, les Juifs durent
abandonner toute profession exigeant de la main-d'œuvre pour se replier sur
des occupations qui pouvaient s'exercer dans un cadre familial élargi, entre
Juifs : banque, prêt sur gage, commerce etc... Par la suite, les Carolingiens,
aussi fervents Chrétiens que les Empereurs de Constantinople, et créateurs de
l'Etat pontifical de Rome, protégèrent ouvertement la population juive, et permirent
le développement de communautés importantes à Narbonne, Limoges, Rouen..., dirigées
par des "messies". Historiquement parlant, l'anti
judaïsme chrétien se manifesta de façon sanglante, pour la première fois, à
l'occasion de la première croisade en 1096; les bandes entraînées par Pierre
l'Ermite rançonnèrent des Juifs et les martyrisèrent dans les hautes vallées
du Rhin et du Danube.
Ceci pose avec insistance la question de l'anti
judaïsme chrétien. Il faut bien l'admettre : si, historiquement, les Juifs avaient
été le peuple assassin du Dieu-Homme chrétien, tout deviendrait incompréhensible,
à moins que les mots n'aient plus aucun sens; par exemple:
- La collaboration
scientifique établie par Origène et Jérôme, entre autres, avec des philologues
juifs; ceux-ci auraient dû naturellement attiser contre eux-mêmes la répulsion
extrême que des Chrétiens instruits auraient éprouvée à l'égard des bourreaux
meurtriers de leur Dieu et leurs descendants.
- Le silence absolu
du Concile de Nicée; quatre siècles après la mort supposée de Jésus, il s'est
contenté dans son Credo de parler d'une façon générale de la souffrance, en
tant qu'homme, de son Dieu incarné; mais il n'a mentionné ni sa naissance à
Bethléem le 25 Décembre 753 de la création de Rome, ni sa mort à Jérusalem,
ni sa croix, ni son tombeau; comme si la vie réelle, historique de son Sauveur
n'avait aucune importance, comme si tout n'était que symbolique.
- La mansuétude
extrême de l'Etat romain une fois devenu entièrement chrétien; les Juifs auraient
dû être considérés comme des insoumis par nature et pourchassés jusqu'à l'extinction
de leur race, puisqu'ils auraient tué le Christ " Empereur céleste et Seigneur
de majesté "; tandis que cet Empire persécutait ses propres sujets fidèles à
leurs cultes ancestraux.
- Le maintien de
la qualité de citoyen romain accordée aux hommes libres juifs par Caracalla,
alors qu'ils incarnaient dorénavant une hostilité absolue à l'encontre de l'Etat
romain chrétien etc...
Tout semble bien intervenir comme si le déicide
juif avait été inventé très tardivement pour dissimuler les vraies raisons de
l'anti Judaïsme de l'Eglise du Christ-Roi.
C'est aussi un fait acquis que les Conciles œcuméniques,
à compter de celui de Nicée en 325, ne s'inquiétèrent nullement de la situation
des Juifs, avant ceux de :
- Latran III en
1179; dans le "canon" 26 à propos du crime de l'usure, le Concile renouvelle
l'interdiction faite autrefois aux Juifs " d'avoir dans leur maison des esclaves
chrétiens ". Il faut soumettre les Juifs aux Chrétiens et " que ceux-ci les
protègent par pure humanité ".
- Latran IV en
1215; le Concile durcit la doctrine en matière d'usure, stigmatise " la perfidie
des Juifs "; " pour qu'ils n'épuisent pas les richesses des Chrétiens ", le
Concile va jusqu'à interdire aux Chrétiens tout commerce avec les Juifs; ces
derniers sont déclarés inaptes à tenir des emplois publics, et ne doivent plus
s'habiller comme les Chrétiens pour éviter toute confusion.
Auparavant, le Concile de Nicée II en 787 s'était
préoccupé de la conversion des Juifs, leur avait interdit d'acheter des esclaves
avant de se convertir d'un cœur sincère et " de ne plus pratiquer dans l'ombre
le Sabbat et autres coutumes juives ". Mais comment un Juif, meurtrier du Dieu
chrétien, pourrait-il se convertir d'un cœur sincère, alors qu'il incarnerait
le mal absolu? S'il se convertissait, ce ne pourrait être que par intérêt et
pour obtenir la levée d'une interdiction comme celle d'acheter des esclaves.
Il y a là comme une contradiction..Le souci d'humanité manifesté en 1179 nous
ramène, à vrai dire, 30 ans auparavant lorsque Pierre le Vénérable, abbé de
Cluny, rédigea son traité " Adversus Judaeos ". Pierre le Vénérable était un
personnage de la plus haute importance, qui pratiquement traitait le Roi de
France Louis VII en égal. Il était hostile aux Juifs pour des raisons très contraignantes
menaçant directement la vie de son Ordre.
La première croisade avait en effet mobilisé
des dizaines de milliers de chevaliers; ceux-ci pour couvrir leurs frais de
voyage et ceux de leurs compagnons, eurent besoin de monnaie en un volume global
tout à fait imprévu. Ils se tournèrent naturellement vers les Ordres pour leur
vendre tout ou partie de leurs biens, ou leur emprunter sur gages les espèces
nécessaires. Les Ordres monastiques capitalisaient pour tout l'Occident, et
amassaient de très grandes richesses mais sous forme de métaux d'or et d'argent,
pierreries, tissus précieux, objets d'art, statues reliquaires etc...; leur
trésorerie en contrepartie n'était pas très fournie. Ces Ordres durent donc
pour financer la Croisade se procurer la masse monétaire demandée, en empruntant
à leur tour sur gages, auprès des banquiers, juifs, pour la plupart, de telle
sorte qu'il y eut comme un transfert de puissance capitaliste. Tous les chevaliers
ne revinrent pas de Jérusalem après 1099; ainsi les couvents ne purent pas rembourser
tous les emprunts, et des gages importants restèrent entre les mains des Juifs,
à tel point que, selon R.Simon en 1681 : " les grandes usures qu'on leur permettait
d'exercer ...les avaient rendus si puissants qu'on fut enfin obligé de les détruire
".
La question est donc crûment posée; elle n'est
pas celle d'un déicide mais d'une surpuissance financière juive qui menaçait
concrètement la surpuissance des Ordres monastiques, un des fondements de la
Société du Moyen Age.
Pierre le Vénérable, soucieux du rayonnement
de son Institution internationale écrivit au Roi de France Louis VII et rédigea
son traité " Adversus Judaeos " dans les années 1146. Il fallait récupérer les
richesses et, pour ce faire, Pierre développa l'argumentation suivante: les
Juifs sont, comme on le sait, les meurtriers de Notre Seigneur; il ne convient
pas toutefois de les éliminer, pour que leur présence nous rappelle sans cesse
les souffrances de notre Dieu. Il faut par contre les exproprier par la force,
redistribuer leurs biens aux Etablissements religieux, et les réduire en état
de serviteurs des Chrétiens.
Mais qu'était-il besoin de transformer les Juifs
en mémento perpétuel de la mort du Seigneur ? N'a-t-on pas depuis onze siècles
les évangiles ? Leur lecture ne suffirait-elle pas à nous rappeler continuellement
le drame de la Croix ? Leur témoignage de " Livres sacrés ", inspirés par l'Esprit
Saint, ne serait-il plus crédible ?
La solution avancée par Pierre le Vénérable ne
peut s'appuyer que sur une seule constatation: le silence absolu des évangiles,
à ce sujet-là, en ce moment là. Malgré son argumentation serrée, Pierre le Vénérable
n'obtint ni l'asservissement des Juifs ni leur appauvrissement, ni le rétablissement
de son Ordre dans sa splendeur ancienne. En outre, il ne paraissait pas très
assuré de la mort du Christ sur sa croix, puisque, seule, une extermination
totale du peuple juif aurait pu effacer son supposé déicide. Par contre, il
semblait dénoncer les pogroms meutriers de 1096, exactions de racketteurs mafieux
couvertes par la Croisade. La première Croisade avait été prêchée en 1095 par
Urbain II, ancien moine de Cluny, comme une guerre sainte contre les Infidèles,
Mulsumans et Juifs, qui occupaient indûment, disait le Pape, les Lieux Saints
chrétiens. Comment ne pas considérer les Juifs habitant l'Occident comme des
Infidèles, c'est-à-dire des ennemis de Dieu, alors que, bien avant la Croisade,
ils suscitaient une telle crainte et une telle haine-envie dans les couvents
? Les déclarer responsables de la mort du Christ justifiait pleinement leurs
tortures et leurs bûchers, puis le vol de leurs richesses.
L'on peut fixer comme suit, semble-t-il, l 'état
des croyances chrétiennes au milieu du Moyen Age, c'est-à-dire à l'an mille:
Christ, Fils du
Dieu unique, engendré et non créé, devenu homme, a souffert, a été mis
en croix pour notre Salut, est ressuscité le troisième jour, est monté au Ciel,
d'où il viendra à la fin des temps juger les vivants et les morts.
Christ est essentiellement: " Empereur Céleste et Seigneur de Majesté
" (Concile de Constantinople IV en 860) C'est le Dieu des Armées, le Dieu de
toute puissance qui fonde toute Autorité. En même temps, il est le Sauveur
de l'humanité, et féconde la Terre entière par son sang. Cette figure
de Dieu de la Fécondité est magnifiquement représentée par une illustration
de l'Evangéliaire d'Edesse, dit de Rabula, que l'on date conventionnellement
de la fin du Vlème siècle; la même iconographie s'est multipliée
en Occident, avec une figuration habituelle du Soleil et la Lune, principes
de la Fécondité, du partage du pain (la Cène), jusqu'au tout début de
l'an mille.
Et, là, se situe dans l'histoire de la religion
chrétienne, la première mort de son Dieu:
Les "grandes faims" de 793, 850, 868, 896, 1005 et
1032 furent la conséquence de conditions climatiques catastrophiques, et d'une
insuffisance persistante des techniques agricoles; à chaque moisson, les récoltes
compensaient à peine les semailles. Il s'en suivit des famines indicibles, qui
conduisirent les paysans à la démence des pratiques anthropophagiques. On tua
des hommes pour se nourrir, on vendit de la chair humaine aux marchés des villages.
Finalement, les paysans se révoltèrent en 996 dans
les campagnes normandes, en Berry, en Rouergue; en Champagne, Lieutard de Verdun,
en 1001,conduisit ses troupes dans les églises pour briser les effigies chrétiennes.
Les paysans constataient ainsi la mort de leur Dieu, puisque depuis si longtemps
la Terre n'était plus féconde; dans l'esprit de ces hommes simples, Dieu ne
l'abreuvait plus de son sang; de ce fait, les moissons ne suffisaient plus à
les nourrir. Leur Dieu ne remplissait plus son rôle de Sauveur; on détruisit
ses représentations triomphales. Peu à peu, on leur substitua d'autres images;
on ne pouvait guère supprimer la croix, compte tenu de son symbolisme millénaire
et de la durée séculaire des enseignements religieux; on modifia la position
du corps de façon à lui faire subir, à son tour, les tortures endurées par ses
" fidèles " du fait de ses grandes défaillances dans l'exécution du contrat
passé avec ses " sujets ".
Les imagiers, bientôt inspirés par la piété franciscaine,
peignirent un Dieu souffrant sur sa croix jusqu'à créer les chefs-d'œuvre d'un
Cimabue vers 1270. La peinture n'est pas uniquement illustration de manuscrits,
ou inspirée par ceux-ci. Elle agit puissamment sur l'inconscient, elle excite
l'imaginaire, et suscite des émotions, des jugements, des concepts. Ainsi la
peinture peut être à l'origine d'une rumeur, d'une opinion, d'une littérature.
En l'occurrence, à la fin du XIème siècle, tous les Chrétiens paraissaient croire
en la mort effective de leur Dieu, avant sa résurrection. (2)
Des esprits avisés ne tardèrent pas à s'interroger
sur les circonstances de cette mort sur la croix. La collusion d'intérêts de
toute sorte, l'envie, la crainte, la haine éprouvée pour les Juifs devenus trop
puissants et déclarés Infidèles par le Pape lui-même c'est-à-dire ennemis du
Dieu chrétien, forgèrent cette conclusion que les pogroms de 1096 sanctionnaient
le crime commis autrefois par les Juifs sur la personne du Christ-Roi.
Depuis que Constantin au IVème siècle avait édifié
les Lieux Saints du christianisme et ouvert la route des pèlerinages, la vie
du Sauveur et de ses disciples avait été localisée en Palestine, alors Patrie
des Juifs. Eux, seuls, avaient pu faire souffrir puis mourir le Dieu des Chrétiens.
A la fin du XIème siècle. les Juifs étaient devenus collectivement le peuple
déicide du Sauveur chrétien. Non pas qu'ils aient eu la possibilité autrefois,
sous Tibère ou un autre Empereur romain peu importe, de faire mourir, historiquement
parlant, ce Sauveur, puisque celui-ci était un pur symbole, le nouveau Mithra
décrit par les Evangiles dits de Matthieu et de Luc. Mais les Chrétiens, des
paysans en très grande majorité, avaient constaté du fait " des grandes faims
" et de leurs folles conséquences la mort de leur Dieu. Il fallait bien une
cause à celle-ci; la peur des Juifs fit le reste. Le pape Urbain II, ancien
moine de Cluny, les déclara infidèles et prêcha contre eux et les Musulmans
la guerre Sainte. L'amour du Christ-Roi pouvait se manifester par la mort d'un
juif. L'anti judaïsme chrétien naquit d'un acte de guerre et de la volonté de
puissance de l'Etat pontifical. R. Simon, en son temps, l'avait fort justement
exprimé: Les Juifs étaient devenus si puissants
" qu'on fut enfin obligé de les détruire ".
F L'INVENTION DU JUDEO-CHRISTIANISME
Comment donc expliquer la naissance, en
France, du Judéo-christianisme ?
A la fin du XVIIème siècle, un tel fossé s'élargissait
entre les deux religions que R.Simon sentit la nécessité de présenter les Juifs
aux Chrétiens, dans un ouvrage de 1681 où il traduisait Léon de Modène, en le
complétant par des remarques sur les cérémonies des Juifs. Un siècle plus tard,
la Révolution Française éclatait; les Droits de l'homme et du Citoyen étaient
promulgués et condamnés par Pie VI dans son Bref du 10 Mars 1791 "
Quod aliquantumt ",; la Constitution civile du clergé obligeaiO les prêtres
à prêter serment; plusieurs insoumis furent exécutés, d'autres s'exilèrent;
tel A.Garnier qui partit aux Etats-Unis collaborer à la fondation du Séminaire
de Baltimore. Revenu en 1803, il enseigna l'Ecriture Sainte au Séminaire de
Saint-Sulpice, dont il devint Supérieur Général en 1836. Ses cours, manuscrits,
forment deux séries, la plus tardive allant de 1835 à 1839, soit un total de
plus de 5.000 feuillets conservés aux archives de Saint-Sulpice. Garnier est
le premier à hébraïser Jésus le Galiléen; il est l'inventeur de l'évangile en
hébreu dit de Matthieu auquel il donna comme date d'écriture l'année 41 de notre
ère; cet évangile, entièrement supposé, aurait été le premier composé.
Ce Supérieur Général de Saint-Sulpice reflétait
précisément une pensée de Restauration de l'ancien Ordre ecclésiastico-monarchique,
anti révolutionnaire, anti rationaliste, bien illustrée par la Grande Mission
de Besançon en 1825. Le séminaire de Saint-Sulpice est le lieu de formation
des futurs responsables de l'enseignement et de l'administration de l'Eglise
française; l'influence d'A.Garnier fut considérable; à tel point que récemment
le livre de Tresmontant sur " Le Christ hébreu ", directement inspiré par Garnier,
connut un succès de librairie honorable, qui dévoila " l'inspiration divine"
de cet ouvrage.
Mais le véritable inventeur du Judéo-Christianisme
fut le savant théologien alsacien E.Reuss, professeur au séminaire protestant
de Strasbourg de 1828 à 1838, puis professeur ordinaire à la Faculté de théologie
protestante de Strasbourg à partir de 1838, titulaire de la chaire d'Exégèse
en 1864. Il fut notamment l'auteur d'une " Histoire de la théologie chrétienne
au siècle apostolique ". Le problème de Reuss est de concilier l'inspiration
" divine " des Ecritures et les résultats des enquêtes historiques sur la Bible,
compte tenu que, dit-il, l'enseignement même du Sauveur " dans l'évangile primitif
" constitue l'origine de la doctrine chrétienne. A l'autorité non discutable
des Ecritures s'ajoute le témoignage intérieur du Saint-Esprit; ceci permet
de découvrir l'originalité de la religion chrétienne en ce qu'elle contient
de plus profondément juif. (3)
Maurice Vernes premier directeur de la " Revue
de l' histoire des religions " disait à propos de Reuss: " la théologie protestante
étudie rarement le passé sans quelque préoccupation d'y retrouver ses idées
favorites..."
Paradoxalement E.Reuss reconnaissait que les
évangélistes n'avaient pas écrit une biographie de Jésus; pour lui, Jésus faisait
de la " pure foi en Lui " la condition d'accès au royaume de Dieu; c'est ce
qui caractériserait la conception judéo-chrétienne, teintée d'une forte connotation
apocalyptique. L'origine du Judéo-Christianisme, instituant comme une antériorité
dans l'exécution d'un plan divin, restait, certes, confuse hors de toute référence
historique et critique mais le concept fut officialisé en notre langue par Littré,
en 1867.
En fait, pour Reuss, les découvertes scientifiques
se juxtaposaient au texte de la Bible sans pouvoir modifier en quoi que ce soit
son caractère " sacré ". Il lui était impossible, compte tenu de son éducation
et de sa formation intellectuelle , de se poser la question de la validité de
ce caractère " sacré ", de sa relativité, c'est-à-dire de sa subjectivité. Il
lui était impossible, malgré sa connaissance parfaite de la langue allemande,
d'admettre les démonstrations de Kant sur les intuitions, et que, lui, Reuss,
confondait avec une voix intérieure de l'Esprit-Saint le surgissement numineux
d'un tréfonds psychique inconscient. Son erreur était d'exclure toute notion
d'interprétation, alors que, de tous temps et en tous lieux, toute perception
visuelle, auditive ou autre a été et reste une interprétation. Il est aussi
faux de transformer les auditeurs supposés de Jésus en machines à enregistrer,
que de voir dans les copistes du Moyen Age des machines à photocopier.
Oublier que les textes " sacrés " ont été nécessairement
glosés au Xllème siècle principalement parce qu'ils étaient devenus difficilement
compréhensibles, du fait, entre autres, de la révolution technique introduite
par l'écriture minuscule; oublier que les copistes ont fréquemment incorporé
tout ou partie des gloses interlinéaires dans le contenu des livres d'origine;
oublier que ces livres ont été imprimés au XVlème siècle d'après le dernier
état des manuscrits et non l'état d'origine; oublier tout cela, c'est prendre
pour "évangile primitif " ce qui correspond à " la croyance " du lecteur E.
Reuss, et non pas découvrir la reproduction exacte des paroles de Jésus. Dans
" l'évangile primitif " les paroles de Jésus restent ce que les auteurs-copistes
successifs ont jugé bon de lui faire dire. Les Chrétiens ont fabriqué eux-mêmes
leur religion; comme toute civilisation, toute religion est mortelle.
E.Reuss, travailleur infatigable, écrivain prolifique,
apôtre de l'enseignement théologique, était pratiquement conditionné, comme
A.Garnier, par son affection profonde pour la langue hébraïque devenue comme
une langue maternelle, et l'histoire du peuple juif. La langue hébraïque incarnait
pour lui celle de la révélation divine; l'histoire juive devenait réellement
celle du peuple élu. Toute référence au Judaïsme apportait dans une comparaison
une dignité de pensée qu'il fallait absolument rechercher; il parlait bien de
Judéo-Christianisme et non deChristo-Judaïsme
L'on peut aussi imaginer que l'anti judaïsme
certain du pape Pie IX, illustré par l'affaire Mortara, fut un élément important
dans le choix que fit E.Reuss de sa judéophilie.
Finalement, pour des personnes étroitement déterminées par leur éducation et leurs croyances religieuses, qui " objectivent " à tout instant, comme A.Garnier et E.Reuss, la parole divine dans l'Ecriture ou la voix intérieure de l'Esprit-Saint, la formulation du concept judéo-chrétien marquait dans le plan du Salut dont on ne pouvait douter la primauté incontestable, c'est-à-dire historiquement supposée, de la religion juive, dont le Christianisme ne pouvait que découler:; nonobstant le fait que l'Ancien Testament chrétien, la Septante, n'est pas la Bible juive. Aussi bien, la notion s'en répandit-elle jusqu'à nos jours d'autant plus facilement que chez les Chrétiens, tant Réformés que Romains dits catholiques, ce retour aux sources constituait une démarche contre-révolutionnaire, anti-rationaliste, qui voulait restaurer " une pure foi dans le Sauveur ", après les horreurs de la Révolution Française et la promulgation des Droits de l'homme donnant à ce dernier la liberté de ne plus obéir aux Commandements divins dictés par les Eglises chrétiennes.
Chez les Chrétiens romains, la diffusion se fit
naturellement par le canal sulpicien de l'enseignement dans les séminaires,
où de surcroît quelques individus choisis furent conduits par des filières universitaires
à étudier l'hébreu, voire même le sanscrit. Le développement de la connaissance
approfondie de la langue hébraïque fut une des conditions fondamentales du succès
du Judéo-Christianisme
Chez les Chrétiens réformés, E.Reuss eut de très
nombreux élèves devenus de très nombreux successeurs, qui ne purent surmonter
les contradictions internes de son enseignement qu'en s'enfermant dans des interprétations
allégoriques ou spirituelles de textes dont la lettre était de plus en plus
ridiculisée par les découvertes scientifiques. Comment pouvait-on fixer,
comme les Juifs de nos jours, la création de la Terre à un peu plus de 7 mille
ans, alors que les astrophysiciens font remonter son apparition à plus de 3
milliards d'années ? Que les préhistoriens décrivent un néolithique âgé de 7
mille ans ? Comment concilier l'évolution scientifique avec la fixité de la
création juive ? Comment insérer le géocentrisme du dogme chrétien de l'Incarnation
dans le ciel de notre galaxie riche à lui seul de cent milliards d'étoiles ?
Comment nier la réalité de fortes influences littéraires, égypto-babyloniennes,
dans ce que l'on continue d'appeler l'Ecriture Sainte ?
En bref, les séminaristes romains et les étudiants ou étudiantes en théologie protestante sont formés dans des conditions très analogues. Sauf dans le domaine de l'allégorisation, ils ne font que répéter les enseignements de leurs Maîtres. La vérité "divine" leur est donnée une fois pour toutes, inviolable, non discutable; à tel point que les lumières projetées accidentellement par E. Reuss sur l' anhistoricité des évangiles et le caractère purement humain de la Bible ne provoquent aucune réaction dans ces milieux " religieux " et ne conduisent jamais personne à oser poser la question de l'existence historique de Jésus Christ. Le caractère " divin " de l'Ecriture Sainte manifeste finalement leur hétéronomie à l'égard de leurs Maîtres, lien que ces étudiants et séminaristes ne veulent pas rompre.
H ROLE DES INSTITUTIONS UNIVERSITAIRES
Les deux courants de pensée chrétienne, le Romain
et le Réformé, se retrouvent à travailler ensemble dans un site universitaire
renommé : - L'Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne, plus précisément
dans la 5ème Section dite des Sciences religieuses de l'E.PH.E. et la Direction
d'Etude des Origines du Christianisme.
La création de cette 5ème Section vers 1880,
avait soulevé une vive opposition de la part d'E.Renan; celui-ci se méfiait
beaucoup de l'emprise des Eglises sur ces " Sciences religieuses ", " qui attribuent
à la Religion une objectivité qu'elle n'a pas ". Selon E.Renan, l'évolution
de l'esprit humain produisait nécessairement des strates religieuses; ainsi
disait-il " les lois qui ont produit Jésus sont les lois permanentes de
la conscience humaine ". Renan s'appuyait notamment sur les travaux de psychologie
clinique de P. Janet et autres pour interpréter l'histoire de Jésus et de ses
Apôtres.
A l'E.P.H.E. -5ème Section, la Direction d'étude
des Origines du Christianisme n'a pas été assurée " dans un esprit laïc et profane
par des personnes étrangères à toute théologie; qui ne songent ni à édifier,
ni à défendre les dogmes, ni à les réviser ". Les enseignants ont été en effet
des Chrétiens, Réformés ou Romains, pour lesquels les présupposés de leur religion
ne sont pas discutables. Ils proposent certes à leurs auditoires l'étude approfondie
de livres dits apocryphes, des Pères de l'Eglise, des gnostiques, hérétiques
etc... pour en quelque sorte meubler le temps et éviter d' avoir à justifier
les Eglises dans " les vérités " qu'elles exposent. On a continué à présenter
les écrits canoniques chrétiens comme des textes du premier siècle de notre
ère, alors qu'ils ont été imprimés pour la première fois en 1592, dans ce qu'on
appelle habituellement la "sixto-clémentine" préparée par Rome après
une décision du Concile de Trente de 1546. Peu importe qu'un texte de ce1er
siècle, " sacré " ou non, ait été écrit en lettres majuscules et en continu,
sans ponctuation, sans paragraphe ni chapitre; peu importe que la mise en page
ou en chapitre ait été progressivement créée au XIIème et XIIIème siècle, on
se conforme à la Tradition.
Malgré les travaux sur le mirage des sources
littéraires, les variantes inévitables dans la copie manuelle des manuscrits,
l'insertion de gloses dans les textes évangéliques pour leur donner un sens,
on fait comme si tout copiste du Moyen Age, lettré ou non, avait opéré avec
une photocopieuse machinalement et sans fatigue. On a commenté, jusqu'à l'écœurement
des auditoires, les épîtres dites pauliniennes en oubliant le contexte des débuts
de notre ère, la censure impériale sourcilleuse, l'inexistence d'une action
contre les écrits chrétiens avant les persécutions de Dioclétien, dont on a
volontairement ignoré les résultats pour " couver" cette pure irréalité d'une
littérature chrétienne authentique et conforme à une Tradition apostolique fondée
en définitive sur les fantasmagories du " Liber pontificalis ".
Renan avait bien raison de se méfier de cette création universitaire, où, du fait de la cooptation des directeurs d'étude, voisinent confraternellement des universitaires chrétiens de toute tendance qui se partagent en outre directions de revues, enseignements à l'Institut catholique ou à la Faculté de Théologie protestante de Paris, rédaction de livres, d'articles, traductions diverses etc... Publier, certes, reste un impératif pour des universitaires; toutefois le souci de la science ne prime plus, mais celui de la carrière à parcourir.
Actuellement, la question du Judéo-Christianisme a pris un tour tragique suite aux événements de 1940/1945, qui ont abouti au drame indicible de la Shoah. Sous couvert de respecter l'autorité des Ecritures et la primauté du peuple juif, le débat tente maintenant d'éviter le discrédit de l'Etat Pontifical, dont la passivité à l'époque a pu laisser se développer les moyens d'extermination. Les années considérées ont vu également se créer, à l'échelon familial ou individuel ,des situations d'adoption ou de garde d'enfants juifs par des Chrétiens qui ne sont pas sans rappeler l'affaire Mortara. La formule: " Tout Chrétien est un Juif tout Juif est un Chrétien " a été particulièrement utilisée après la guerre par un aumônier d'origine juive malgré un changement de patronyme, devenu par la suite un prince de l'Etat Pontifical; il y avait ,dans cette occasion, tout intérêt à essayer de donner la même origine aux deux religions pour éviter toute dénonciation pour abjuration. L'Etat Pontifical a pour sa part développé un discours ambigu. prônant l'amour de Dieu et du prochain, qui lui permettait non seulement de se ranger du côté des victimes mais aussi de s'approprier leur douleur et leur drame; il tenta même de s'approprier les lieux typiques du génocide par l'implantation d'un Carmel, de croix pontificales etc...à Auschwitz.
Après cette période de la deuxième guerre mondiale,
on vit parallèlement la 5ème Section de l'E.P.H.E. accueillir plusieurs universitaires
juifs, certains de grande valeur, et choisir parmi eux des directeurs d'étude.
Ce fut le cas tout dernièrement pour la Direction d'étude des" Origines du Christianisme
". La cooptation à sa tête d'une personnalité d'origine juive marquait symboliquement
le triomphe du concept de Judéo-Christianisme, et la primauté de la religion
juive; si bien que l'intéressé publia très rapidement après sa nomination un
ouvrage voulant prouver que le Judéo-Christianisme relevait de l'Antiquité,
et que la secte des Ebionites constituait une matrice de la religion chrétienne.
Mais comme il cite tout au début de son livre l'Archevêque de sa ville pour
appuyer sa thèse, et que celui-ci n'est en aucune manière un historien, sauf
à réécrire le passé en fonction de ses besoins identitaires, sa démonstration
sombre dans le courant des œuvres de complaisance. La collusion d'intérêts,
sous le couvert des Ecritures divines, favorise un carriérisme dont la fin souhaitée
conduirait au Collège de France.
E.Renan avait donc bien raison de s'élever contre
la création de cette Section dite des " Sciences religieuses ", qui se dota
de la Direction d' Etude des Origines du Christianisme; ce fut un échec pour
la laïcité : on présenta comme données "scientifiques " des éléments de croyance,
qui ne faisaient que concrétiser des phénomènes psycho-sociologiques, manifestant
des images jusque là inconscientes.
Quoi qu'il en soit, le judéo-christianisme demeure
pour les Chrétiens romains un non-sens, puisque leur Ancien Testament, la Septante
Alexandrine, n'apparaît pas dans la liste des livres saints de la religion juive;
outre le fait que matériellement la Septante présente au moins trois mille variantes
par comparaison avec le texte des livres juifs correspondants; en particulier,
le fondement du monothéisme n'existe pas dans la Septante (Exode XX -5), par
l'absence formelle d'un article devant le mot Kurios, même si les traductions
conventionnelles en ajoutent un faussement, par " pieuse " fraude. Il n' y a
ni communauté d ' Ecritures, ni communauté de religion. La religion chrétienne
reste une religion impérialiste, d'origine romaine, quoi qu'on veuille.
Pour les Chrétiens protestants, à cause de leur
propension à transformer le flux de leurs intuitions en voix de l'Esprit-Saint,
à cause de leur conviction première de la " sacralité " de la Bible tenant à
leur éducation familiale, le concept de judéo-christianisme mesure leur asservissement
à une Tradition irrationnelle, certains cherchent à s'en libérer par la profession
d'une philosophie agnostique
Ces dernières années, la question s'est un peu
déplacée par la création au C.N.R.S. d'une Unité de Recherche sur les religions
du Livre. La dénomination de cette entreprise laisserait entendre que ces Religions
ont un seul et même livre en partage, ce qui est faux. Par contre, on ne saurait
mieux dire que ces religions sont à la fois idolâtriques et anthropomorphiques.
On a beau vouloir confondre monothéisme et monolâtrie, il n'y a pas de fait
surnaturel à l'origine de la religion juive ou chrétienne. La religion est un
langage inventé par les hommes pour apaiser leurs peurs innées dues à leur environnement
naturel, leur milieu de vie culturel historico-politique, économique etc....La
peur de l'autre, du différent devenu un ennemi, a fait surgir le concept d'un
dieu national, tout puissant, guide du Chef des Armées, dont celui-ci n'est
que la représentation; ainsi, le pouvoir naît de la" divinité." Les
peurs engendreront en outre le recours aux pratiques de la magie, favoriseront
les superstitions, peupleront le proche Univers de personnalités célestes, dieux
ou démons, anges de diverses catégories, héros, saints.,etc.
Quelques siècles devraient sans doute s'écouler avant que des hommes plus nombreux réfléchissent à l'inanité de ces sornettes et à la nécessité pour l'homme de grandir en conscience pour se réaliser, d'acquérir plus d'être, de fonder sa religion sur la raison pour devenir à travers de nombreuses transformations le Tout-Conscience; Tout-Conscience qui dans son évolution a engendré les existants visibles et invisibles, des univers en nombre indéterminé, et, autour d'une étoile parmi les milliards de notre galaxie, la minusculissime Terre et les nano-poussières humaines.
Le judéo-christianisme au milieu du XIXème siècle
ne s'est fondé en France sur aucune preuve historique, mais sur le besoin d'affirmer
une identité reconstruite en opposition aux libertés de la Révolution Française
et à partir de la quête d'une servitude se voulant " pure foi en Jésus ". Finalement,
comme le concept de Dieu est " objectivé ", comme les " fidèles
" décrivent des "images premières dynamiques " (G.Bachelard) issues de
leur inconscient, ces " fidèles" s'agenouillent devant leurs propres créations;
ils s'idolâtrent.
L'homme n'est
pas la création d'un dieu, mais tout dieu est la créature d'un homme.
(1) Cf. "Prions en Eglise" -Revue mensuelle n° 1 07 -Novembre 1995 pages 10 et 11
2) Le mot de crucifix apparaît en français sous la forme de crocefis en 1170 crecefis fin du XIIème siècle, crucifit en 1223 (DHLF' Le Robert Paris 1995 tome 1 -page 538)Le crucifix s'élève -comme un cri de vengeance en un appel au meurtre.
(3) C.F. F.LAPLANCHE " La bible en france entre mythe et critique - 16 ème et 19 ème siècle.
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