Des dieux égyptiens aux dieux aztèques, croix celtes ou svastikas orientales, bien avant d'être un symbole chrétien, la croix est un symbole universel qui a toujours accompagné l'humanité.



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         SOMMAIRE
A) A QUOI SERT L'ECRITURE ?
B) LES TROIS MYTHES CONSTITUTIFS DE LA RELIGION CHRETIENNE
C) REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  ADDENDUM :    SOLA SCRIPTURA

 

 

                   A                    A QUOI SERT L'ECRITURE ?

      J'ai beaucoup hésité à m'engager dans la rédaction du présent ouvrage. Je voulais terminer la lecture de l'autobiographie intellectuelle livrée récemment sous le titre de : "Réflexion faite" par Paul RICOEUR, philosophe connu, reconnu, estimé, voire admiré. Certes, je l'ai approuvé dans son analyse du "Conflit des interprétations" et dans la nécessité de passer de la sémiotique de type saussurien à une herméneutique du texte, basée sur la phrase première unité du sens du langage, que Emile BENVENISTE appelait instance de discours (1). Par contre, la théorie du texte dressée par l'auteur ne m'a pas convaincu. Considérer que dans l'intersubjectivité de l'écriture-lecture "est seul pertinent l'acte du lecteur", "l'acte du poète (écrivain) est aboli dans le poème proféré (lu)"...; que la lecture aboutit à une redescription du réel, "celui qui appartient au monde du lecteur", me conduit à me demander à quoi bon écrire si mon travail doit fournir un fourrage anonyme à l'appétit d'un lecteur quelconque? Que deviennent mes intentions et mes recherches?
      Je dois crier avec Milan KUNDERA aux "Testaments trahis" (2), si le sens d'un texte se rend autonome par rapport à l'intention subjective de son auteur, intention perdue. Peu m'importe en définitive que ce lecteur, lui aussi sujet parlant, obéisse à la nécessité de se désapproprier de lui-même, pour faire sienne la chose du texte (3), si je ne suis pas reconnu en tant qu'auteur.

     Or, un texte ne se chosifie, me semble-t-il, que sous la forme d'un livre ou autre document devenu objet de collection sur un rayon de bibliothèque ou dans un tiroir. Le texte ne devient tel que dans et pour une conscience, dont l'activité spéculaire se déploie dans le flot continu de l'inconscient, individuel et surtout collectif (4) :
           - Soit la conscience de l'auteur, guidée par sa volonté, qui projette ses états successifs par le moyen d'un code accepté par sa Communauté;
           - Soit la conscience d'un lecteur, intéressé par le sujet du texte ou l'auteur ou les deux à la fois, qui cherche attentivement à redécouvrir les intentions de celui-ci, le sens de ses propos, leur part de vérité; dialogue virtuellement avec lui, jusqu'à se nourrir de son discours en se l'appropriant, "pour s'apercevoir à la fin qu'elle(la vérité) est en soi-même. Il faut déjà la posséder pour la discerner quand on la trouve" (5).

     A vrai dire, le sens d'un texte ne devient qu'artificiellement autonome pour les besoins d'une construction intellectuelle systématique propre à Paul RICOEUR; un texte-document se caractérise pratiquement toujours par le nom de son auteur (réel ou supposé) y compris les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, l'Iliade et l'Odyssée etc... Si je me hasardais à proclamer que "Le Lac" n'a pas été écrit par LAMARTINE, il me faudrait prouver sérieusement le plagiat ou le vol, et restituer le poème à son véritable auteur dont je découvrirais le nom. Si je prétendais être le père véritable de "Réflexion faite" parce que j'ai lu l'ouvrage, relu, corrigé, contesté, mangé, Paul RICOEUR ne manquerait pas de me poursuivre en justice pour préserver ses droits d'auteur.
      Le sens d'un texte se détache d'autant moins des intentions de l'auteur que ce dernier écrit d'abord pour lui-même (6). Pendant sa composition au fur et à mesure qu'il les trace, il scrute chaque signe, chaque mot, chaque proposition et phrase, chaque paragraphe; il les rature, corrige, intervertit, modifie jusqu'à ce que le sens dégagé apparaisse le mieux adapté à ses fins. Il lui faut se convaincre lui-même de la pertinence de son propos avant de le figer sous forme de document: "l'homme qui écrit ...c'est lui-même qu'il recherche, c'est à lui-même qu'il dit d'abord ses secrets" (7)
      Ecrivain et lecteur sont en lui: Il se décrit lui-même en dévoilant "le caractère depuis toujours autobiographique de toute écriture" (8)
      La solitude de l'auteur-compositeur n'est que temporaire; l'usage d'un code, agréé par beaucoup, dit son souci d'être lu et compris, son besoin de dialogue, dans le cadre d'une intersubjectivité générale qui permet à chacun de se connaître semblable aux autres et différent d'eux. Reste que cette opération souhaitée se heurte aux nombreux aléas de la transmission: le texte-document prend souvent le chemin d'une bouteille noyée dans l'océan des bibliothèques. On lit pour comprendre mais:
                 "un petit nombre seulement rencontre la pensée d'un autre" (9)
      SAINTE-BEUVE disait que la littérature n'est pas séparable du reste de l'homme. L' oeuvre c'est l'homme. Se livrer à des enquêtes policières sur un auteur parodierait complètement l'analyse à laquelle il convient de procéder. PROUST avait raison de déclarer: "un livre est le produit d'un autre-moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes dans la Société; le moi de l'écrivain ne se montre que dans ses livres" (10). C'est ce moi-là qu'il faudrait débusquer par une lecture attentive dégagée des contraintes exercées par la subjectivité du lecteur, dont l'interprétation ne coïncide pas naturellement avec celle de l'auteur et qui y ajoute indéfiniment (11).
      En bref, pour qu'un lecteur soit à même de psychanalyser l'autre-moi de l'écrivain pour le comprendre, il lui faudrait préalablement se soumettre lui-même à une psychanalyse qui lui permettrait de faire le"poids"de ses penchants naturels, afin d'opérer les corrections nécessaires; vœu pieux! puisque personne n'admettra que ses névroses ou complexes pèsent sur ses jugements! (12)
      Est-ce celà que P.RICOEUR appelle "la reconnaissance des contraintes spéculatives"? (13) Identifierait-il l'autre-moi de l'écrivain proustien au "soi réflexif" dont son autobiographie "intellectuelle" nous entretient si abondamment?
      Le "soi réflexif" constitue l'image du sujet pensant ou se pensant; la réflexion transmet mais ne produit aucune pensée. Selon NIETZSCHE: "une pensée vient quand elle veut, de telle sorte que c'est falsifier les faits que de dire que le sujet "je" est la détermination du verbe "pense"... " Une pensée vient (au philosophe) du dehors, d'en haut, ou d'en bas comme des événements ou des coups de foudre, à lui destinés" (14). KANT parlait, lui, "d' intuition intellectuelle" : "sans intuition, nos concepts sont vides" (15)

     Finalement, outre les philosophes et écrivains, chaque humain possède un autre-moi, le "soi". Il ne se situe pas dans la pointe extrême de nos "réflexions", mais dans un "fond ténébreux d'où surgissent tout-à-coup à la lumière des images qui enchantent un instant notre esprit; elles le traversent comme un éclair " (16)

    Mon "soi" est le pôle principal de ma personnalité; il la relie à l'inconscient collectif, fournisseur de mes intuitions et "images primordiales"( 17) en complément ou compensation à mes perceptions-sensations transformées en sentiments. Cet inconscient représente la mémoire de l'humanité dans ses diverses composantes, et, au delà si tout est conscience comme je le pense, la mémoire de notre univers. Il réhabilite mon imagination qui de folle du logis devient source de mémoire. Il introduit en ma conscience attentive la "mélodie secrète" (18) émanée de ce que d'aucuns appellent encore la création. En somme, pour accroître ma conscience, ma personnalité, il me faut rapprocher mon "moi" de mon "soi", ouvrir le premier aux intrusions du second, rendre le premier plus sensible aux sollicitations du second, préparer mon "moi" à cette fin en méditant continuellement sur la globalisation des parcelles que nous sommes dans l'unité de la supra-personne dont nous procédons.

     J'écris donc pour accélérer ce que le vocabulaire jungien dénomme processus d'individualisation; processus qui s'épanouira à ma mort ,proche maintenant, par la fusion des deux pôles de ma personnalité:
"Tout livre que nous avons écrit nous donne un certain apprentissage de la mort qui est à la fois un accomplissement et une résurrection" (19)
      La mort, une transformation? C'est la loi de nature, reconnue depuis le temps immémorial que les humains rendent un culte à leurs défunts. Reste l'angoisse profonde des circonstances du départ, et le non-sens apparent de la fin; elle présente à chacun la question de son destin, du sens de la vie, de l'interprétation à donner à l'univers, interprétation où s'enracine la religion: "perspective herméneutique à travers laquelle regarder la vie" (20)

     Mon âge avancé, la maladie, certaines disparitions brutales m'ont rendu la perspective de la mort pratiquement familière et, plus obsédant, mon propre accomplissement. Il ne s'agit pas tant de se préparer à sortir avec élégance en souriant au nouveau monde ,comme dans le "Testament de Job'" où ses amis disparus viennent dans son agonie l'accueillir sur un char de lumière; mais de l'accepter par avance en cherchant dès maintenant à le découvrir.
      Aussi bien, je me suis inscrit pendant 14 années consécutives à la 5ème section de l'Ecole .Pratique des .Hautes .Etudes, à la Sorbonne, section des sciences religieuses. . L'E.P.H.E. est un "paradis du travail scientifique" aux dires de J.BOTTERO, (21)
      J' ai suivi assidûment pendant tout ce temps les travaux de la conférence sur les origines du Christianisme, et, pendant 7 ans 1, simultanément, les études sur la Patristique de langue grecque et l'histoire des dogmes. J'ai retenu, que les écrits chrétiens ,canoniques ou non ,constituent une littérature de romans épiques; une "immense force sociale" pourvue d'un "pouvoir de séduction quasi-hypnotique"; les auteurs pour convaincre leurs lecteurs, c'est-à-dire les captiver, ont disposé de leur art d'écrire comme d'un "appareil à fabriquer l'illusion du réel" (22) Il faut donc interpréter cette littérature comme telle, et ne plus se réfugier derrière une supposée inspiration divine pour échapper aux questions que suscite la lecture de cette "Histoire Sainte" devenue depuis l'invention de l'imprimerie un objet culturel comme un autre dont la lecture n'est plus réservée aux seuls chrétiens (23).
Bien qu'élevé dans la religion catholique romaine, je me suis évertué à lire les textes canoniques chrétiens comme un non-croyant anonyme de notre temps, en les interrogeant compte tenu des connaissances et problèmes de notre Société occidentale. J'ai donc pris le chemin inverse à celui préconisé par les pasteurs des foules "croyantes", fustigeant ceux qui ont le souci de faire oeuvre d'archéologues ou d' historiens pour la raison simple que "la Bible a été écrite par des croyants pour des croyants" (24).
      De ce fait, mon propos ne constituera pas une sorte d'apologie de la foi chrétienne, ni un élément à rajouter à ce qu'on appelle faussement le Retour du religieux. Ce phénomène, déjà décrit par Alfred LOISY en Avril 1917 (25) manifeste les frustrations et désespérances de nos contemporains, qui, dans leur faim angoissée de sécurité et d'identité, reviennent aux plis ancestraux de nature rassurante. Mon propos n'est pas non plus un manifeste d'athéisme; il se veut au contraire foncièrement religieux; l'homme à mon avis ne s'accomplit réellement que dans sa découverte et son union avec la supra-personne dont il procède naturellement, dont il est une parcelle; peu importe si cette parcelle est poussière de poussière à l'intérieur de ce Tout-Conscience; le destin de l'homme, me semble-t-il, consiste à reconnaître sa dépendance, son insuffisance, et à rechercher dans la prière et la méditation contemplative le surcroît de vie, qui progressivement le transformera, éventuellement par le moyen d'une extase ontologique illustrée jadis par PLOTIN.
      Je ne suis pas plus un esclave romain, qu'un serf attaché à la glèbe, décrit par LA BRUYERE sous les traits d'une bête aux champs. Ceux-là pouvaient s'effrayer à la vue d'un crucifix qui leur promettait les pires tortures s'ils n'obéissaient pas scrupuleusement à la Loi "divine" proférée par leurs maîtres. Je ne puis accepter de voir, dans cette représentation dérisoire et carnavalesque du pouvoir, l'image de mon Dieu (26).

    B      LES TROIS MYTHES CONSTITUTIFS DE LA RELIGION CHRETIENNE    

 Alfred LOISY a bien défini les trois mythes constitutifs de la religion chrétienne (27) :

      Un mythe cosmogonique    Décrivant la création du Monde, des animaux et de l'homme. Il a représenté durant 18 siècles environ la vérité s'imposant à toutes les consciences, puisque supposée d'origine divine. Nous en connaissons la fausseté scientifique (28); ce qui fonde son caractère purement mythologique, et, en contrepartie, ruine notamment la notion de péché originel (29).

     Un mythe christologique     Le Sauveur Jésus Christ constitue l'élément essentiel du Christianisme; mais il s'agit d'une figure très ambiguë; si apparemment il tire une partie de son nom des écritures juives, ses traits caractéristiques viennent directement des fonds mythologiques traditionnels hellénistico-romains. La personnalité de Jésus s'est recouverte progressivement, des origines au Christianisme de Constantin, des vêtements les plus divers; jusqu'à l'invention de la mise en croix au premier Concile de Constantinople en 381,dont les actes ont été diffusés avec ceux du Concile de Chalcédoine tenu en 451.
La nature mythologique de la foi chrétienne est encore renforcée, si possible, par la "naissance" du Sauveur, confondue avec le retour du Soleil le 25 Décembre, jour du nouveau Soleil  -néos hélios = Noël -  L'opération s'effectua, vraisemblablement, pour la première fois, le 25 Décembre 335. Jésus n'est-il pas le Soleil de Justice? (30). La croyance naïve trouvera toujours justification à cette adoption-transformation par les Chrétiens, même si tardive, des vieux mythes apolliniens et mithriaques.

     Un mythe eschatologique       Le mythe n'est pas constitué par la seule destruction de la Terre, prévisible, puisque scientifiquement annoncée dans un avenir d'environ trois milliards et demi d'années. Pour les Chrétiens, cette destruction doit être précédée par un nouvel avènement du Sauveur Jésus Christ, qui établira un règne de bonheur pour les élus, d'une durée variable - peut-être mille ans - avant de juger les vivants et les morts et d'ouvrir les portes de son royaume céleste à ses fidèles.
Cette parousie glorieuse du Sauveur n'est pas sans poser quelques problèmes: il lui faudra vraisemblablement se réincarner par le giron d'une vierge sans péché. Cette nouvelle naissance se situera-t-elle à Betléem? Y aura-t-il un nouvel Hérode pour tenter de le tuer? Mille ans de bonheur terrestre suffiront-ils pour que ses élus oublient enfin les injustices et souffrances endurées ici-bas depuis combien de millénaires?
A vrai dire, cette croyance ne fait qu'exprimer le besoin de vengeance dont rêvent tous les exclus des diverses civilisations humaines: ils ne pourraient pas vivre sans cet espoir, devenu certitude, de "lendemains qui chantent". Les prolétaires communistes nous l'ont annoncé il y a environ soixante dix ans, même si matérialistes, et non religieux, Juifs ou Chrétiens. Il s'agit donc d'une réaction psycho-sociologique naturelle compensant une déréliction collective très douloureusement ressentie, que l'imaginaire du groupe considéré incarne en images venues des zones ténébreuses de l'inconscient! les circonstances historiques donnent des couleurs et formes adaptées plus précisément aux déboires de la catégorie concernée.
La littérature juive s'est illustrée par la publication de plusieurs ouvrages eschatologiques juste avant les débuts de notre ère ou dans les deux premiers siècles de celle-ci; la croyance en une spécificité nationale de ces écritures reposait sur la psychose collective du "peuple élu juif"; cette littérature n'exprimait qu'une réaction universelle devant l'adversité; c'est pourquoi les Chrétiens se l'approprièrent à leur tour en s'enfermant dans le même exclusivisme.
Le mythe chrétien comporte, outre la résurrection des corps, quelques autres extravagances: -     
       - D'une part en effet il n'ouvre définitivement la porte du ciel qu'après le Jugement dernier; où sont donc, entre-temps, les glorieux martyrs et les vierges (31) ?
      - D'autre part le mythe suppose une existence de l'humanité jusqu'à la fin de la Terre; or les conditions de l'évolution conduisent actuellement les éthologistes à calculer en une dizaine de millions de nos années la durée de vie de chacune des familles animales; la race humaine serait donc remplacée successivement par un nombre indéterminé de nouvelles espèces dont nous ignorons tout, sinon qu'elles bénéficieraient vraisemblablement d'une conscience plus étendue; l'humanité en tant que telle ne serait dotée que d'une capacité de vie assez brève au regard du temps cosmique (32)
     Je n'insisterai pas sur les anthropomorphismes statufiés dans la conception chrétienne du bonheur céleste: la vision béatifique de Dieu en face à face; je reviendrai sur le contenu de ces mythes, de ces "Histoires saintes", fabriquées par les hommes pour donner une signification à leur situation dans le Monde. Qu'ils aient fait Dieu à leur ressemblance, Xénophane de Colophon au 6eme siècle avant notre ère l'avait déjà démontré (33). Toutefois l'anthropomorphisation atteignit dans la religion chrétienne des sommets insurpassables: le chapitre XX du décret de réforme générale adopté en 1563 par le Concile de Trente stipule en effet que les biens temporels qui relèvent du droit de l'Eglise appartiennent personnellement à Dieu, et sont protégés par son patronage (34)
       La religion chrétienne se dit la religion d'un livre sacré qu'elle adore littéralement, reconnaissant encore en lui l'inspiration divine. De ce fait, elle n'adore que l'écriture de scribes œuvrant à la demande ou avec l'autorisation des Puissances de leur temps. La religion chrétienne tente d'établir l'autorité sans limite d'un homme sur des hommes par l'établissement d'une règle d'obéissance, qui fait de la servilité absolue l'image de la condition divine sur Terre. ( 35)
      Entre autres raisons, je ne suis plus chrétien parce que personne n'a jamais pu m'expliquer pourquoi le salut de l'humanité, but avoué du Catholicisme romain, exigeait de cette religion qu'elle s'incarnât directement en un Etat théocratique, donc totalitaire, succédant dès la moitié du 8ème siècle à l'ancien Empire romain d'Occident, sous le gouvernement de l'Evêque de Rome assisté de princes de l'Eglise, et autres monsignori de sa cour. Certes sa réduction actuelle aux dimensions du minuscule Vatican lui confère un caractère anachronique, toutefois sa constitution reste identique, aussi dictatoriale que celle manifestée par la condamnation des Droits de l'Homme, immédiatement après leur proclamation, par le Bref de Pie VI Quod aliquantum du 10 Mars 1791, comme étant contraire aux Droits de Dieu (36).
      Si bien que les déclarations actuelles d'écclésiastiques exaltant la liberté, l'égalité la fraternité des hommes doivent être considérées comme des propos de circonstance, même si sincères, le Bref de Pie VI n'ayant pas été annulé postérieurement par un nouvel écrit pontifical.

     L'humanité vit, c'est-à-dire évoluera continuellement jusqu'à sa disparition de la surface de la Terre qui conservera peut-être des traces significatives de son éphémère existence; ses connaissances et croyances changent de la même manière, à tel point que les certitudes scientifiques demeurent scientifiques dans la mesure où elles se présentent comme des hypothèses que d'autres hypothèses remplaceront (37). Au regard de ce relativisme généralisé, le dogmatisme absolutisé de l'Eglise catholique romaine apparaît impossible à justifier. Le prouvent totalement les dispositions adoptées par le Concile de Vatican l en 1869-1870 (38).
      A l'évidence, le dogme de l'infaillibilité du Pape compensait la perte des Etats pontificaux en établissant un pouvoir plénier et souverain sur l'Eglise répandue dans le Monde entier, du fait que le Pontife romain est le vrai vicaire du Christ. Les théologiens catholiques revenaient donc aux années 1075, dans lesquelles Grégoire VII se proclamait vicaire du Christ et prétendait de ce fait dominer empereur, rois et autres puissances politiques civiles et militaires. La dogmatique sclérosée d'une telle pensée stupéfie; elle mesure le degré d'atonie intellectuelle que provoque un recours sans limite à la Tradition; elle n'a qu'un intérêt pour l'historien des religions en lui démontrant que le Christianisme moderne équivaut à celui d'après l'an 1000.       On justifie tout par la foi. Ce mot de foi semble se revêtir d'une vertu magique, issue du pouvoir fascinant des images que suscite la croyance. Elle permet d'échapper à toute explication rationnelle par le déroulement d'un flot continu d'allégories typologiques et autres interprétations spirituelles. Mais finalement, :
             "la foi n'est sûre d'elle-même qu'à condition de ne se point examiner" (39)
La foi chrétienne exprime ses mythes par la magie divine de ses rituels liturgiques et sacrements analogues aux rites et mythes du "totémisme australien" , (40).
      Selon Emile POULAT, sociologue apprécié, nous sommes entrés dans une ère post-chrétienne (41). L'incrédulité à l'égard du Christianisme romain s'enracine à l'intérieur de la religion par l'enseignement de "vérités divines" oppressantes qui tendent perpétuellement à infantiliser les fidèles. Cette incrédulité grandissante entraîne le plus souvent un agnosticisme voire un athéisme alimenté par le Catholicisme romain lui-même, incapable de satisfaire les plus hautes aspirations religieuses des individus de notre temps. Reste l'armée des fonctionnaires du Vatican, des théologiens et spécialistes en tous genres, traducteurs, exégètes, commentateurs, linguistes etc .: tous les professionnels du divin qui vivent concrètement de Jésus Christ, réalité littéraire du canon des écritures chrétiennes. L'exercice de leurs activités en ces travaux divers est une prestation de services rémunérée dont ils tiennent à préserver l'intégralité. Ils défendent âprement, par l'emploi de moyens sophistiqués, un statut social, une influence sur l'opinion publique, compte tenu du retour au "religieux" dont profite occasionnellement leur vieille Eglise rassurante ( 42 )

      Participer à des cérémonies, prier, chanter en collectivité, dégage des émotions vives de solidarité et une certaine exaltation, qui brisent au moins, momentanément, les solitudes glacées de l'exclusion. Le Catholicisme romain reste fidèle à ses origines en apportant aux plus démunis, charriés dans les cahots de l'infra-société, les consolations et les espoirs en une vie meilleure, sinon ici-bas tout au moins après la vie terrestre. L'illusion est d'autant plus grande que les icônes, peintures, statues, décorant les églises, matérialisent sensiblement l'imaginaire appelé en compensation par les frustrations des fidèles (43). Mais le Catholicisme demeure également fidèle à ses origines en réduisant la majorité de ses œuvres caritatives à un moyen de simple survie, alors qu'une véritable tâche éducative pourrait donner aux pauvres les moyens à long terme de quitter leur pauvreté. Au nom de la Providence et du Christ en croix, le Chrétien d'aujourd'hui, saisi par tant d'amour divin manifesté à son égard, en vient à accepter sa situation comme étant le chemin proposé à lui par Dieu pour un gain au ciel.

     Bref, je ne peux plus professer la religion catholique romaine!

     A côté d'un sentiment de profonde désillusion, l'étude des conditions sociologiques à la naissance des écrits canoniques chrétiens m'a amplement montré que l'Eglise n'était pas une institution divine, mais bien humaine; dès le 3ème siècle, un véritable parti formé de communautés citadines pratiquant la solidarité entre leurs membres; composées essentiellement de prolétaires et d'esclaves, c'est-à-dire d'illettrés; dirigées dans le cadre des lois romaines sur les collégia par quelques aristocrates déçus diversement, par l'Empire romain. Depuis les origines, les Chrétiens furent viscéralement opposés à la civilisation de l'Empire et de l'Antiquité tardive jusqu'au début du 4ème siècle. Là, un groupe de Chrétiens lettrés, formés dans les paedagogia serviles de l'Empire pour remplir les tâches courantes de l'Administration, ont usé de leur puissance établie progressivement pendant trois siècles pour "convertir" Constantin en lui assurant l'adhésion et non plus l'hostilité du parti Chrétien; c'est-à-dire, en donnant ainsi à l'Empire une solidité dans l'union qu'il n'avait jamais connue même au temps des Antonins, tout en consolidant les intérêts de leur groupe de lettrés.(44)      Il n'y a pas de succession apostolique. Le Nouveau Testament est une recherche éperdue des Chrétiens du 2ème siècle, de leur identité. Mes propos soulèveront l'hostilité certaine de tous ceux qui refusent de s'interroger sur leurs pratiques, pour raison de convenance sociale, ou de Tradition. Communément, ils s'effaroucheront de mon ton décapant et s'abriteront derrière les mots de foi, blasphème, polémique ou autre ...En d'autres temps, ils m'auraient brûlé pour mon apostasie, me faisant l'insigne honneur de consacrer la liberté de ma recherche par le feu du sacrifice.

     L'opposition traditionnelle entre foi et raison représente une fausse échappatoire: la foi ne peut être que le couronnement des connaissances humaines d'un moment donné; certitude relative, elle évoluera inévitablement avec celles-ci. L'existence d'une tension entre foi et conscience condamne une foi devenue dogmatisme et incapable de s'adapter à l'évolution de l'humanité.
      Je tente d'établir les faits les plus probables pour baliser mon chemin, mais l'on ne saurait condamner ma démarche pour raison de subjectivité, puisque mes contradicteurs, encombrés par leurs présupposés, sont logés à la même enseigne. Aussi bien répéterai-je que Jésus Christ Sauveur, n'ayant ni date de naissance, ni date de mort ni durée de vie certaine, n'ayant laissé aucune trace concrète de son passage sur Terre malgré de nombreux miracles supposés, dont la vie se heurte aux réalités matérielles les plus contraignantes de la Société où il se serait incarné, n'existe que dans et par une certaine littérature édifiée progressivement longtemps après sa prétendue mise en croix. Je le répéterai sans esprit de polémique, mais non sans la voix de l'ironie et par conséquent de la dissension. Je revendique la responsabilité de me situer en dehors du Système; je lutterai contre la rhétorique de la conformité, pour: " répondre au chant de l'autorité par le contre-chant de la liberté..." ( 45 )

 

              C           NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

     1 -Cf. Paul RICOEUR -in "Réflexion faite -Autobiographie intellectuelle" Edité par Les Editions Esprit -Paris 1995 Pages 38 et 39.            retour
     2 -Cf. Milan KUNDERA -in "Les testaments trahis" -Edité par Gallimard -Paris 1993. Page 297.
Milan KUNDERA s'élève avec vigueur contre les déformations subies, du fait des lecteurs, par l'oeuvre d'un auteur de son vivant et bien plus après samort. S'adressant à un lecteur, il rappelle que: "C'est lui (l'auteur)qui est chez lui dans son oeuvre, et pas vous, mon cher"
      3 -Cf. Paul RICOEUR -Op.Cit. -Pages 47, 48, 56, 57.
      4 -Cf. Maria TASINATO -in "L'oeil du silence" -Edité par Verdier -Lagrasse 1989. Page 128
L'auteur cite abondamment "Les fragments posthumes" (1881 -1882) de NIETZSCHE, dans lesquels le philosophe allemand, à propos de la clepsydre à eau, rappelle que l'homme apparait inséparable du passé "étrange lot que celui de l'homme, il vit 70 ans et il pense être quelque chose de nouveau et sans précédent durant ce temps là -et cependant il n'est qu'une vague dans laquelle le passé des hommes poursuit son mouvement "       retour
      5 -Cf. Louis LAVELLE -in "La parole et l'écriture" -Edité par L'artisan du Livre 12ème édition -Paris 1950. Page 212
      6 -Cf. Paul RICOEUR -Op.cit. "De la métaphysique à la morale" Pages 85 à 115. Le philosophe se déchaîne dans cette 2ème partie de son "Autobiographie intellectuelle", et se plait à employer une langue tout à fait personnelle dont seuls quelques fidèles goûteront l'ésotérisme. La distinction entre: identité -mêmeté (idem) et identité -ipséité (ipse) qui se combinent dans "l'identité narrative", nous rapproche des records d'hermétisme établis naguère par V.JANKELEVITCH dans son ouvrage sur "la mort" .Où l'on voit bien qu'un Maître philosophe, à la recherche de précisions de plus en plus fines dans l'exposé de sa doctrine, pleinement accessible à quelques disciples seulement, ne peut être un diseur d'histoires en paraboles comme Jésus, selon les évangiles, dont les auditoires successifs se comptaient par milliers de personnes.          retour
      7 -Cf. L.LAVELLE -Op.cit. pages 191 à 201
      8 -Cf. Maria TASINATO -Op.cit. pages 124 à 126
          Cf. Paul RICOEUR -Op.cit. page 100 L'auteur illustre parfaitement ce caractère autobiographique de toute écriture lorsqu'il nous confie: "ce Dieu n'est au mieux que le Dieu des philosophes, il n'a de commun que le le nom avec le Dieu qu'on peut prier" L'on comprend bien que dans son enfance, adolescence et âge mûr, P.RICOEUR ait prié le Dieu de "sa Bible", dont autrefois ses grands-parents très aimés lui faisaient lecture au moins une fois quotidiennement. Laisser penser finalement que, seul, le Dieu de cette Bible peut être prié, marque à nouveau l'exclusivisme attaché à une religion du Livre, exclusivisme qui étonne chez une personne aussi cultivée; outre l'erreur historique commise au sujet du dieu des philosophes, que ceux-ci ont prié et adoré jusqu'à l'extase; que l'on songe à Plotin!    
                                     page 82 La confidence nous conduit à saisir "le drame" vraisemblable qui agite P.RICOEUR. Il précise que: "il ne regrette pas le tour agnostique" des lignes où il déclare qu'il ne peut dire en tant que philosophe d'où vient la voix de la conscience, et soulève la question du "rapport conflictuel -consensuel entre ma philosophie sans absolu et ma foi biblique plus nourrie d'exégèse que de théologie" Le poids affectif très fort de l'éducation première biblique contre-balance celui des connaissances acquises. Il en résulte dans la conscience une coupure plus qu'un simple conflit dont la solution est de nature psychanalytique; mais la seule fréquentation de Freud, ce matérialiste positiviste, ne saurait suffire puisque pour Freud toute religion représente une maladie de l'âme.          retour
      9 -Cf. L.LAVELLE -Op.cit. page 200       retour
      10 -Cf. Milan KUNDERA -Op.cit. page 310 Citation de PROUST à propos de la polémique PROUST contre SAINTE-BEUVE.
      11 -Cf. L.LAVELLE -Op.cit. page 200.        retour
      12 -Cf. Josette ELAYI -Jean SAPIN -in "Nouveaux regards sur la Trans-Euphratène" édi té par Brépols -1991 Dans la collection "Mémoires premières" dirigée par J.C.Picard. Page 117 :
Les auteurs s'interrogent sur l'utilisation des sources textuelles à partir desquelles on construit une histoire; ils prônent une autre lecture "dépouillée d'a priori d'idéologisme moderne". Prenant Hérodote pour exemple, ils souhaitent une étude de la personnalité et de la mentalité des auteurs, de leur motivation et des sources de leurs objectifs. Ils n'insistent pas suffisamment, à mon avis, sur le fait qu'un historien aussi soucieux soit-il d'objectivité, travaille inévitablement à partir de son présent, de sa propre civilisation, de ses présupposés personnels. L'historien projette son époque et sa propre personnalité sur les siècles qu'il veut "ressusciter" Les anachronismes s'enchaînent à la suite, non pas dans la datation de faits objectivés,par plusieurs sources simultanées, mais dans l'interprétation de ces faits.      Pour fixer mon opinion sur la manière dont les historiens font l'histoire, je citerai: -Georges DUBY in "L'histoire continue" -Collection Points -Edité par Odile Jacob -Paris 1991.
Page 107 : "J'affirme non moins nettement ne pas croire à l'objectivité de l'historien, ni que l'on puisse distinguer en "dernière instance" le plus déterminant des facteurs dont procède l'évolution des sociétés humaines"
Page 113 Citation de Claude LEVI-STRAUSS" l'historien sait bien et de façon croissante qu'il doit rappeler à"la rescousse" tout l'appareil d'élaboration inconsciente"
Page 137 : "ma position,face au témoignage à la source écrite s'est décidément renversée. J'avais demandé jusqu'alors aux documents qu'ils m'enseignent la vérité des faits dont ils avaient mission de conserver le souvenir. Il m'était vite apparu que cette vérité est inaccessible "
Page 154 " l'événement n'existe jamais que par le rapport qu'on en fait"
Page 196
"Le champ des sciences de l'homme est parcouru par des courants de profondeur, inaperçus, irrésistibles, qui déplacent à certains moments l'ensemble des curiosités."

-Anatole FRANCE -in "Rabelais ou l'esprit français" -Edité par les Editions de l'Arsenal Paris 1994.
Page 197 : "La postérité a parfois le sens épique et légendaire qui grandit et simplifie; elle n'a jamais le sens historique ni la perception du vrai. La tradition opère les plus étranges métamorphoses et fait mener aux héros qu'elle emporte avec elle une vie posthume bien différente de celle qu'ils menèrent en chair et en os".
Page 205 : "Mais, (comme) il est difficile, (comme) il est peut-être impossible de sortir de son temps, même à une époque où Michelet a fait de l'Histoire une résurrection; (comme) enfin tous, tant que nous sommes, nous ne cherchons, nous ne voyons que nous dans autrui - "' - -PierreVALLIN -in "Le Canon des écritures" -édité aux Editions du Cerf Paris 1990. Chapitre X -page 552 :
"pour l'essentiel, l'Histoire est un art, non une science "
Nous sommes là au coeur de nos préoccupations religieuses. Cette déclaration cache mal le souci de dénigrer le résultat des enquêtes historiques appliquées à l'étude du canon chrétien, confondues avec des impressions esthétiques personnelles, pour se protèger : "contre la surestimation des résultats auxquels on peut ou devrait parvenir par les méthodes critiques" Ce souci est infondé. En effet:
                 D'une part, vouloir prouver l'inspiration divine du canon chrétien parce que: "dans la lecture même, ce Livre-là s'auto-atteste comme parole qui fait vivre. Une joie de lire ce Livre-là se fait reconnaitre comme oeuvre de l'Esprit qui fait vivre" -(page 554)
Cette volonté de prouver s'annihile d'elle-même. La formulation trop générale utilisée par l'auteur, l'enthousiasme submergeant provoqué par la lecture du "Livre-là" placent tous les livres du "Livre-là", tous les chapitres d'un de ces livres, sur le même plan; ce que personne ne saurait accepter. Le "Livre-là" contient trop de pages qui crient vengeance, pleines de fureur et de sang, de stupre, d'assassinats, pour y voir une inspiration divine; sans omettre la grande lessive du déluge. Qu'y-t-il de moins attristant que le récit de la passion et de la cruxifiction? Faut-il penser que l'Esprit ne visiterait plus les chrétiens éplorés au souvenir de la mort de leur Dieu? En outre, trop d'ouvrages autres que la Bible nous apportent des paroles de vie au moins aussi fortes et une joie de lire au moins aussi profonde. On ne peut pas établir la réalité de l'inspiration "divine" par l'unique emploi d'arguments si subjectifs. La foi en "l'inspiration divine" du "Livre-là" reste bien: : "comme un préliminaire spécifique à la lecture de la Bible" (page 544). Ce dogme de "l'inspiration divine", inspiration confondue avec des états Psychologiques bien étudiés depuis au moins deux siècles, ce dogme autoproclame son absurdité.
           D'autre part, l'auteur présente une certaine méconnaissance de la communauté d'origine des arts et des sciences; il s'agit de deux voies différentes par leurs techniquesd'accroitre les connaissances fondamentales et pratiques des hommes, mais l'une et l'autre représentent un effort subjectif ou intersubjectif d'accéder à la "réalité" à travers figures, monuments, ou formules. La méthode scientifique la plus rigoureuse consiste dans son élaboration en un choix continuel de paramètres, qui sollicite sans cesse l'appréciation d'un sujet, dont les réflexions sont nourries de ses intuitions.
- Cf. les réponses d'Alain CONNES mathématicien, professeur au Collège de France à J.P.CHANGEUX neurobiologiste, -in "Matière à pensée" Edité par Odile Jacob -Paris 1989. Les instruments scientifiques utilisés dans les expériences sont en outre fabriqués en vue de telle ou telle fin, concrétisant l'intersubjectivité puissamment à l'oeuvre des concepteurs et des réalisateurs. Les origines des arts et des sciences s'enracinent dans le même fond ténébreux de l'inconscient collectif, coloré différemment en chacun par le jeu de ses refoulements personnels. . L'expression technique des connaissances est déterminée par les aptitudes du sujet sans que l'on puisse faire crédit plus à une technique qu'à l'autre; cependant, le scientifique se réfère plus souvent à l'art que l'artiste à la science
- Cf. François DAGOGNET -in "Ecriture et Iconographie" édité par Librairie Vrin -Paris 1973. Page 12 : "Nous osons donc confondre art et science"
-Albert de PURY' -in "Le Pentateuque" -Edité par Les Editeurs du Cerf Paris 1992. Chapitre V -page 206 : "On sait depuis longtemps que l'Histoire ne se produit pas toute seule, qu'elle n'existe pas en elle-même. L'Histoire est toujours construite par ceux qui la racontent, et la construction de l'Histoire oblige ses artisans à opérer un choix entre les traditions disponibles et à sélectionner les témoignages non seulement dignes, à leurs yeux,d'être retenus, mais avant tout utiles pour la communauté à laquelle ils s'adressent. On sait également que la sélection porte non seulement sur le choix des traditions mais aussi sur leur interprétation "            retour

13 -Cf. Paul RICOEUR -Op.cit. -page 37          
14 -Cf. Milan KUNDERA -Op.cit. -citations de NIETZCHE -page 177         retour
15 -Cf. R. ElSSLER -in "Kant-Lexikon" -Edité par Gallimard -Paris 1994. Article: Intuition -pages 565 à 568.
16 -Cf. L.LAVELLE -Op.cit. -page 243.       retour
17 -Cf. G.BACHELARD in "L'air et les songes" -Livre de Poche 4161 - Librairie José Corti -Paris 1943
Gaston BACHELARD appelle ces images primordiales "images dynamiques premières" Un poète dit-il (page 62) "en se confiant à l'imagination, il s'adresse à la réalité psychique première: l'image les images ne vieillissent pas l'imagination est le principe d'une éternelle jeunesse"
18 -Cf. TRINH XUAN THAN -in "La mélodie secrète" -édité par Gallimard Folio Essais -Paris 1991.
Astrophysicien, l'auteur a participé en compagnie de Jean BOTTERO, Thomas ROMMER, J.C.CARRIERE et d'autres personnalités, à un colloque organisé le 5 Octobre 1996 à La Sorbonne -Paris, par le Groupe de liaison pour l'action culturelle et scientifique (Glacs, 16 rue de la Glacière 75013 Paris); le thème du colloque portait sur les récits d'origine.
Sans doute limité par le temps, l'auteur n'a pas assez ouvert, à mon avis, son exposé sur les questions en suspens aujourd'hui: frontières de notre univers (composé de cent milliards de galaxies, une galaxie valant cent milliards d'étoiles), présence éventuelle d'un nombre indéterminé d'autres univers; hypothèse d'un "big crunch" marquant dans le temps cosmique la fin de l'évolution d'un univers à partir de laquelle naîtrait par un "big' bang" un nouvel univers, formant ainsi des cycles répétitifs en nombre indéterminé,
Le Glacs diffusait à cette occasion un livre intitulé "Au commencement, Big Bang, Genèse et autres récits" de Madame M.S.DETOEUF. L'ouvrage, très bien illustré et composé, souffre d'un manque de corrections qui s'est traduit par quelques erreurs:
            -Saint-Augustin apparaît ainsi sous les traits d'un évêque de Carthage au 4ème siècle (Page 49), au lieu d'Hippone.
            - Jésus, lui devient un "jeune contestataire juif", déclarant à ses disciples: "je suis la vérité, je suis la vie" (page 75)
Il aurait fallu pour le moins appuyer ces affirmations par des références précises à un texte évangélique, car prétendre que Jésus se soit proclamé Dieu, relève plus d'une foi ancestrale issue d'une lecture trop rapide des textes, que d'une sérieuse interprétation. L'on a toujours grand-peine à découvrir que Jésus, suivant certains livres, l'Evangile dit de Marc par exemple, n'a créé ni doctrine ni institution. Après tant de siècles d'endoctrinement, l'on a toujours autant de difficulté, à distinguer l'événement littéraire , , , que représente la vie de Jésusà
travers le Nouveau Testament, d'un événement historique établi dans sa vraisemblance par la convergence de plusieurs sources de nature différente. Quels auteurs, Grecs ou Romains, du premier siècle de notre ère ont raconté de telles histoires à propos d'un nommé Jésus? Qui l'a qualifié de Galiléen avant Julien dit l'Apostat an 362?        retour
19 -Cf. L.LAVELLE -Op.cit. -Page 190          retour
20 -Cf. Aldo GARGANI -"L'expérience religieuse comme évenement et comme interprétation" in "La religion" -édité par Le Seuil - Paris 1994
Page 126. Cet ouvrage collectif a été publié à la suite d'un séminaire réuni à Capri en Février et Mars 1994; avec la participation notamment de J.DERRIDA, G.VATTIMO et H.GADAMER
Cf. F.LAPLANCHE in "La Bible en France -Entre mythe et critique -16ème, 19ème siècle" édité par Albin Michel -Paris 1994. Page 138
Dans le même ordre d'idée, F.LAPLANCHE cite E.QUINET dans: "Le génie des religions" (1841) :
"Même les plus égarés écoutent en naissant la révélation de Dieu par la voix de l'Univers. Il n'en est pas un seul dont l'occupation ne soit de saisir, d'interpréter cette parole que l'Eternel prononce dans la création".
Page 139      A propos de Littre :"chaque religion, pour se voir reconnaître un rôle dans l'Histoire, doit payer un double prix: admettre qu'elle est elle-même soumise à un processus d'évolution interne et reconnaître qu'elle est toute entière embarquée dans la vaste aventure de l'esprit humain"
Page 154           A propos de E.RENAN : "La base de cet intérêt prioritaire (du savant) pour la religion est que celle-ci constitue une expression tout à fait primitive de l'esprit humain" En fait "l'inspiration divine" notamment des écritures chrétiennes est la révélation de l'esprit humain à lui-même.                                                  
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21 -Cf. J.BOTTERO in "Babylone et la Bible" -édité par Les Belles Lettres -Paris 1994. Page 50 L'auteur a même précisé: "un incomparable paradis du travail scientifique"
22 -Cf. Milan KUNDERA Op.cit. Page 185 : "Pour captiver son lecteur, le romancier dispose alors de tout un appareil à fabriquer l'illusion du réel Puisque les personnages doivent paraître "vivants", il faut rapporter à leur sujet le plus d'informations possible"        retour
23 -Cf. Christoph THEOBALD -in "Le Canon des Ecritures" -édité par les Editions du Cerf. Paris 1990 Introduction
-Page 7 : "Un événement concerne le Canon des Ecritures, dont l'importance est encore difficile à évaluer L'imprimerie qui a canonisé le Canon des catholiques. celui des protestants et celui du peuple juif, en faisant de la Bible un best-seller, l'a rendu du même coup indépendante de ses groupes porteurs. Que le Livre soit devenu depuis peu un objet culturel, exposé aux regards d'un chacun et à la lecture de qui veut, doit interroger les chrétiens qui se réclament de lui parce qu'ils pretendent y entendre la "parole de Dieu" qui fonde leur existence individuelle et collective"
Avant Gutenberg un texte se nourrissait de ses variantes.
Cf. Les Conciles oecuméniques -Les Décrets -2-, Edité par les Editions du Cerf -Paris 1994. La Bible objet culturel, c'est ce qu'admet, avec réticense semble-t-il, la Constitution Dei Verbum du 18 Novembre 1965 du Concile Vatican II, dans son chapitre VI intitulé "La Sainte Ecriture dans la vie de l'Eglise",
in fine: "En outre, que l'on procure des éditions de la Sainte Ecriture, munies d'annotations appropriées,qui puissent servir même aux non-chrétiens et qui soient adaptées à leur situation " L'on appréciera le "même aux non-chrétiens" ceux-ci étant cinq fois plus nombreux que les catholiques romains, au bout de deux mille années d'exposition de "la seule" doctrine divine.

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24 -Cf. Revue mensuelle "Prions en Eglise" -Numéro 107, Novembre 1995 -Edité par Bayard Presse.
Pages 10 et 11, une Histoire Sainte: "Dans la Bible ne cherchons pas l'histoire, mais "l'Histoire Sainte".C'est le mot "saint" qui a le plus d'importance et qui éclaire "l'histoire". Ceux qui ont commencé bien des années après pâques n'ont pas le souci de faire oeuvre d'archéologue ou d'historien, mais bien de transmettre la foi en ce Christ toujours vivant près de Dieu Les évangiles, eux aussi font de "l'Histoire Sainte"; les évangiles ont pour objectif premier de nous faire découvrir et partager la foi des premières communautés chrétiennes En conséquence faire une lecture sainte de la Bible, c'est d'abord écouter comment des croyants de jadis à partir de leur vie, à partir de leur histoire, ont reconnu en Jésus l'envoyé de Dieu, le Seigneur de tous les hommes. Ainsi la Bible a été écrite par des Croyants pour des Croyants"
Cf. Les Conciles oecuméniques -Op.cit. Page 1985 ( chapitre V -18 et 19 -Le Nouveau Testament)
Mais comment une histoire même sainte pourrait cesser d'être une histoire? Le Concile Vatican II insiste sur l'historicité des évangiles:
        -18 : "Les Evangiles l'emportent à bon droit, du fait qu'ils constituent le principal témoignage sur la vie et la doctrine du Verbe incarné notre Sauveur; toujours et partout l'Eglise a tenu et tient que les quatre évangiles ont une origine apostholique "
        - 19 : "La Sainte Mère Eglise a tenu et tient fermement et avec la plus grande constance que les quatre évangiles mentionnés, dont elle affirme sans hésiter l'historicité, transmettent fidèlement ce que Jésus, le fils de Dieu, du temps de sa vie parmi les hommes, a réellement fait et enseigné pour leur Salut éternel"
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25 -Cf. A.LOISY in "La Religion" -édité par E.Nourry -Paris 1917
Page 31 : "Il y avait, nous assure-t-on, avant la guerre, un certain renouveau religieux et moral parmi la jeunesse, mais combien avons-nous connu de ces renouveaux depuis 1870 qui n'ont guère laissé de traces que dans la littérature Après tout, c'est au sein même du catholicisme que s'est propagé l'ébranlement des croyants"        retour
26 -Cf. Pascal QUIGNARD -in "Le sexe et l'effroi" -édité par Gallimard,Paris 1994
Page 79 : "Un ludibrium fonde l'histoire chrétienne. La scène primitive du Christianisme - le supplice servile de la croix réservé à celui qui se prétend Dieu, la flagellation, l'inscription Jésus nazaréen roi des juifs, le manteau pourpre, la couronne royale faite d'épines, le sceptre de roseaux, la nudité infamante - est un ludibrium concu pour faire rire " (ludibrium = objet de moquerie; c'est aussi un épouvantail).
27-Cf. A.LOISY -Op.cit.                            retour
Pages 273 à 276 : L'économie chrétienne du salut n'a pas aboli, elle a continué, sans la mener à terme, l'oeuvre des humanités, des religions et des siècles qui ont précédé son avènement. Elle repose en effet sur trois mythes dont l'énoncé distinct est facile à reconnaître dans les plus anciens formulaires, le symbole dit des Apôtres, qui sert encore de profession de foi baptismale et le symbole dit de Nicée qui se chante aux messes solennelles. Ces trois mythes sont: le mythe cosmogonique, le mythe christologique ; le mythe eschatologique
Cf. Conciles œcuméniques -Op.cit. Page 1975 -chapitre l -4 - La révélation elle même
" Ainsi donc, l'économie chrétienne, du fait qu'elle est l'alliance nouvelle et définitive ne passera jamais et aucune révélation publique ne doit plus être attendue avant la glorieuse manifestation de notre seigneur jésus christ ... "
La pensée de l'Eglise romaine nie définitivement toute évolution!

28 -Cf. Missel Vespéral -Paroissien expliqué et commenté par A.FLEURY - Edité par Marne à Tours -Editeurs pontificaux -12ème édition, imprimatur du 16 Janvier 1942.
Page XXVII -Calendrier liturgique du mois de Décembre -25 Décembre - La Nativité: "L'an depuis la création du Monde 5199 ; depuis le déluge 2957; depuis la naissance d'Abraham, 2015; depuis Moïse et la sortie du peuple d'Israël d'Egypte, 1510; depuis que David fut sacré roi, 1032; la 42ème année de(*) l'Empire d'Auguste, toute la Terre jouissant d'une grande paix, Jésus Christ Dieu Eternel et fils du père Eternel, voulant consacrer le Monde par son avènement naît à Bethléem- de Juda, de la glorieuse Vierge Marie (martyrologe romain)"
(*) Octave fut nommé par le Sénat, Auguste et impérator, 27 ans avant J.C.
Cf. Les Conciles oecuméniques -Op.cit. Page 1973 -Chapitre l -- 3 -- La révélation elle-même "En créant et en conservant toute chose par le Verbe, Dieu s'est en outre manifesté lui-même à nos premiers parents "
Cf. L'Invention de la Préhistoire -Edité par Presses Pocket -Paris 1992 Page 343 -Chronologie des découvertes "Année 1901 -BREUIL, CAPITAN et PEYRONI découvrent les grottes ornées de Font-de-Gaume et des Combarelles. Ils présentent leurs découvertes à l'Académie des sciences"Certaines gravures de ces grottes ornées étaient peintes au Magdalénien moyen ou supérieur, soit entre 14000 et 9500 avant notre ère. Lorsque l'Abbé BREUIL faisait progresser la nouvelle science de la Préhistoire il s'enfonçait littéralement dans les cavernes de l'hérésie !
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29 -Cf. Else WALRAWENS -in "Le siècle des lumières et la Bible" Tome VII de la série "La Bible de tous les temps" -Edité par Beauchesne - Paris 1985.
Pages 579 à 597 : "La Bible chez les libres-penseurs en Allemagne: Samuel REIMARUS et Johan EDELMANN"
Je ne suis évidemment pas le premier à nier l'existence du péché originel. REIMARUS et EDELMANN l'ont fait bien avant moi et ont supporté les conséquences que leur valut la liberté de leurs opinions.
30 -Cf. H.Irénée MARROU -in "L'Eglise de l'Antiquité tardive" -Edité par Le Seuil, Collection Points-Histoire -Paris 1985
.
Page 98 : "La commémoration de la Nativité au 25 Décembre apparaît à Rome quelques temps avant 336 : il semble bien que le christianisme triomphant se soit annexé, en lui imposant une signification nouvelle, la fête païenne de l'anniversaire du Soleil Invaincu dont l'Empereur Aurélien en 274 avait cherché à faire la religion commune de l'Empire: le Christ n'est-il pas le vrai Soleil de Justice?"
Cf. J.CARCOPINO -in "Etudes d'Histoire chrétienne" -Edité par Albin Michel Paris 1953. Pages 265 -266 : L'auteur analyse la Dépositio Martyrum Romae compilation achevée entre le premier Janvier et le deux Octobre 336.
Les dépositions se succèdent aux dates des martyres commémorés mois par mois dans l'ordre du calendrier chrétien, depuis le 8 des calendes de Janvier, c'est-à-dire le 25 Décembre -Natus Christus in Bethléem Judae - jusqu'au 13 Décembre suivant; c'est le premier témoignage écrit du Noël chrétien.
Cf. LAROUSSE "Grand Dictionnaire encyclopédique" ( Edité hors commerce par LAROUSSE -Paris 1984.) Tome XI -Page 7411 -Article Noël: "La fête de la naissance du Christ était célébrée à Rome au moins dès l'année 336" Dès maintenant il faut souligner que l'assimilation de Jésus au Soleil Invincible n'avait aucune signification historique.
L'on célébrait joyeusement "le retour annuel" du Soleil, par une fête rituelle, qui cachait mal la crainte éprouvée anxieusement de le voir englouti pour toujours par les ténèbres triomphantes de l'automne.
Quant à la localisation à Bethléem de Judée, faite par la Depositio Martyrum Romae, il convient de se reporter à l'ouvrage exceptionnel de M.HALBWACHS, "La topographie légendaire des évangiles en Terre Sainte" - Edité par P.U.F. Paris 1971 - Pages 50 à 63.
Cf. Maurice SARTRE - in "L'Orient romain" - Edité par Le Seuil - Paris 1991. Page 60 : A propos des Princes et clients comme Hérode le Grand: "A l'inverse, tout contribuait à abaisser le souverain client et à souligner sa dépendance à l'égard de l'Empereur puisqu'il lui devait jusqu'à son titre même" Le roi des Juifs était, en droit,
Auguste, qui déléguait ce titre à Hérode le Grand; Hérode était un rex datus. Ce fait souligne l'anachronisme du discours des Rois-Mages venus saluer le roi des Juifs qui serait né près de Jérusalem, alors que le roi des Juifs régnait en droit à Rome. L'auteur complète son avis par la citation suivante (1 GR-IV -145) : "Attendu que le Nouvel Hélios Gaius César Auguste Germanicus a voulu ...."
Nouvel Hélios, étymologie de Noël, constituait donc un titre impérial: L'Empereur était assimilé au Soleil, à la fois Apollon et Mithra; à plus forte raison le Christ des chrétiens, Roi des Rois, le seul Empereur.
Cf. Jean DANIELOU - in "Les origines du Christianisme latin" - Edité par Desclée-Cerf - Paris 1991. Pages 111 à 114 -"De Pascha Computus"
Ce texte vise à fixer la date de la Pâque de 243... " Il établit une assimilation totale de Jésus au Soleil; ainsi, Jésus serait né le mercredi c'est-à-dire le 4ème jour, celui où a été créé le Soleil". Page 113 : "C'est le plus antique témoignage de la relation établie entre la Nativitas Christi et le Natale Solis" ; toutefois dans l'opuscule il s'agit du huit des calendesd'Avril. Or le huit des calendes d'Avril correspond à l'équinoxe du printemps le 25 Mars.
Robert TURCAN nous indique dans "Les cultes orientaux dans le Monde Romain" (Les Belles Lettres -Paris 1989) Page 52 : "Le 25 Mars, on proclamait la résurrection d'Attis", Attis dont les funérailles avaient eu lieu la veille par le truchement de l'enterrement d'un pin, arbre de vie, substitut de la croix représentation millénaire de la fécondité. C'était le jour des Hilaries, réjouissances populaires, fête du printemps et de la vie retrouvée Le 26 Mars était le jour du repos et le 27 Mars se situait la procession du bain. En bref, au milieu du 3ème siècle, certaines communautés chrétiennes plaçaient la naissance de Jésus au 4ème jour de la création dans les lointains brumeux de la Genèse, bien avant l'apparition de l'homme, c'est-à-dire des commencements de l'Histoire; ces chrétiens célébraient un événement cosmique et non historique.
En outre, le rappel indirect des rites métroaques du culte de la Grande Mère Cybèle nous conduit à nous souvenir que le phrygianisme, solidaire du loyalisme civique et du culte impérial, était répandu dans tout l'Empire; Attis jouait surtout un rôle funéraire, comme protecteur des morts et incarnation divine de leur espérance posthume. Dans certaines provinces le phrygianisme officiel restait solidaire de la romanisation. Jusque dans la seconde moitié du 4ème siècle l'aristocratie païenne resta passionnément attachée au culte métroaque. Les dendrophores ou porteurs du pin d'Attis ne furent officiellement supprimés qu'en 415. L'adhésion obligatoire au Christianisme à la fin du 4ème siècle suscita inévitablement un syncrétisme puissant. Pour que la nouvelle religion officielle pût être acceptée par les païens, il fallait bien qu'elle contint de nombreux éléments familiers à ces foules, dont les sentiments habituels à l'égard du Christianisme s'exprimaient par le plus vif mépris voué à une religion d'illettrés.
Sous Constantin, la fusion des cultes intervient comme naturellement le 25 Décembre de chaque année, le Dieu Soleil étant vénéré désormais sous le seul nom du Christ dont la royauté céleste effaçait celle de Mithra et d'Apollon, par la volonté de l'Empereur agissant en tant que Pontifex Maximus.
Toutefois, comme le rappelle R.TURCAN in "Mithra et le Mithriacism~" (Belles lettres - Paris 1993) Pages 27 et 96   -Mithra était accompagné habituellement par des Mages:
"La tradition littéraire hellénique liait Mithra aux Mages"*Il naissait d'un rocher, une grotte, avec l'aide de bergers. D'où l'inclusion dans les deux évangiles dits de Matthieu et de Luc des épisodes des Rois Mages et des bergers afin de rendre cette naissance du Christ-Soleil tout à fait acceptable "aux nombreux païens".
Ces deux passages établissent l'équivalence entre Jésus et Mithra, et apportent une justification à la christianisation du Soleil.
La datation de ces récits au 4ème siècle expliquerait les anachronismes commis par les "évangélistes" faisant rechercher par les Mages aux environs de Jérusalem un roi des Juifs régnant à Rome, qui ne pouvait être ni Hérode - Rex Datus, ni Jésus.
Toutefois, les chrétiens ont alors accompli une appropriation totale, non seulement de la Septante, mais des lieux autrefois juifs en Palestine; ils sont devenus totalement le nouvel Israël; les "évangélistes" ont-ils désigné par Roi des Juifs le Roi des chrétiens?
En fait l'élément essentiel de ce mythe christologique disparaît complètement dans les commentaires habituels sur la "crèche", dont on fait volontiers remonter l'origine à Saint François d'Assises, et la naissance du Sauveur. Celui-ci, en tant qu'Enfant Divin, n'a aucun précédent dans les Ecritures juives qu'il ne saurait venir accomplir. Ces dernières contiennent bien des naissances miraculeuses, par exemple celle d'Isaac; mais les enfants nés ainsi restent des enfants d'hommes.
Le dernier exemple nous est fourni par l'évangile dit de Luc, dans la naissance de Jean-Baptiste.
"L'Enfant-Divin" relève directement des traditions à la fois grecques, perses, égyptienne, puis romaines. Auguste lui-même, non seulement héritier des Julii issus de Vénus, est né de l'union de sa mère et d'Esculape-Apollon. L'histoire gréco-orientale -égyptienne abonde d'enfants - divins; chaque roi était vénéré comme un fils de Dieu. Dans ce contexte, les écritures chrétiennes relatives à là naissance de Jésus s'enracinent donc dans une tradition non juive.

* Ceux-ci l'ont introduit en Perse et propagé son culte jusqu'au Proche Orient

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31 -Cf.CYPRIEN DE CARTHAGE -in "Traités" -édité par Adrien Le Clère et Cie -Paris 1842 -Traduction de l'Abbé de GENOUDE.
Traité N° 2 : "Des laps ou de ceux qui ont failli dans la foi pendant la persécution" L'accès au ciel est subordonné au jour de la Grande Sentence, quand le peuple chrétien comparaîtra devant le Tribunal du Christ assis sur les ruines du Monde; y compris les martyrs, dont les âmes, sous l'autel, crient à haute voix
Page 365 "Seigneur, qui êtes Saint et Véritable, jusqu'à quand différerez-vous de juger et de venger notre sang sur ceux qui habitent la Terre?" " Il leur est ordonné d'attendre encore quelques temps tranquillement et avec patience "
Voilà donc 17 siècles que ces martyrs, "dont la gloire est la première de. toutes les gloires" (Traité no1 - Op.cit. - page 351) attendent toujours sous l'autel d'être vengés par la venue de leur Christ!
L'économie "païenne" du Salut restait beaucoup plus satisfaisante: le jugement des âmes ne s'éternisait pas; les Champs Elysées s'ouvraient au moins une fois l'an pour accueillir les Justifiés
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32 -Cf. Boris CYRULNIK -in "Les nourritures affectives" -édité par Odile Jacob Paris 1993.
Page 241 : "En débarquant sur Terre, toute espèce vivante possède une espérance de vie de sept millions d'années. Nous venons donc de naître puisqu'il n'y a que trois millions d'années que nous nous arrachons à l'animalité, que nous marchons sur nos pattes postérieures! Il n'y a que trente mille ans que nous sommes devenus "savants" que nos récits racontent les mythes qui nous façonnent et que nos techniques utilisent les lois de la nature. Nous avons encore droit à quatre millions d'années!"           retour
33 -XENOPHANE de COLOPHON.
Ce philosophe est d'autant plus important que pratiquement oublié. Quelques écrivains se sont préoccupés de rappeler ou de traduire ses penssées :
-A.MOMIGLIANO "Sagesse barbares" -Edité par Gallimard -Paris 1991 page 137, le situe à l'arrivée des Perses en Ionie vers 545 avant notre ere.
-Moses FINLEY "On a perdu la guerre de Troie" -Les Belles Lettres -Paris 1990 page 33 critique avec Xénophane l'image qu'Homère et Hésiode donnent des dieux: "Homère et Hésiode ont attribué aux dieux tout ce qui est honteux et blâmable chez les hommes: le vol, l'adultère et la tromperie"
Moses FINLEY "Les anciens Grecs" - La Découverte "essais" Paris 1993- après avoir insisté sur le caractère oral de la littérature grecque "Les Grecs préféraient parler et écouter" l'auteur rappelle que Xénophane écrivait seulement sous la forme poétique.
Pages 107 et 139 - précise que ce philosophe fut un sceptique et combattit les enseignements grossiers des récits mythologiques; il se situait en dehors du courant principal de la pensée grecque.
- E.R.DODDS "Les Grecs et l'irrationnel" - édité par Flammarion, Champs 28 Paris 1977 -.Page 181 - place la découverte fondamentale de Xénophane dans la relativité des idées religieuses; tout en le présentant comme un homme profondément religieux L'auteur se réfère à Xénophane pages 196, 197, notes 6,7,8,9,10,19 et 20
- J.P.DUMONT "Les Présocratiques" -édité par la Bibliothèque de la Pléiade -Paris 1988/1989; en collaboration avec P.DELATRE et J.L.PERRIN, a établi la lecture de référence.
Citons en outre, Erwin SCHRODINGER, prix Nobel de physique en 1933, "La nature et les Grecs" - édité par Le Seuil - Paris 1992 Page 183, reproduit la traduction du fragment 34 suivant la numérotation de la première édition de Diels "Non jamais il n'y eut, jamais il n'y aura un homme possédant la connaissance claire de ce qui touche les dieux Même si par hasard il se trouvait qu'il dit l'exacte vérité, lui-même ne saurait en prendre conscience car tout n'est qu'opinion"
- Enfin Mircea ELIADE "Les aspects du Mythe" - Gallimard Folio Essais - Paris 1991 Page 190, reproduit la traduction de KIRK et RAVEN; pour Xénophane "il est un dieu au-dessus de tous les dieux et les hommes; sa forme ni sa pensée n'ont rien de commun avec celles des mortels"
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34 -Cf."Les Conciles Oecuméniques" -édité par Cerf -Paris 1994 -Tome II Les Décrets -2- Page 1617 :
"Et pour cette raison il (le Concile) avertit l'Empereur, les Rois, les Etats, les Princes et autres, tous et chacun de quelles que condition et dignité qu'ils soient, que plus ils sont largement pourvus de biens temporels et de pouvoirs sur les autres, plus saintement ils doivent respecter ce qui relève du droit de l'Eglise, en tant qu'appartenant personnellement à Dieu et protégés par son patronage "          Dieu, figure sous les traits d'un propriétaire foncier!       retour
35 -LE PENTATEUQUE
Cf. John D.WOODBRIDGE "Richard Simon et la critique biblique" - in "Le grand siècle et la Bible" -Dans la série "La Bible de tous les temps" Edité par Beauchesne -Paris 1989 Richard Simon en 1678 nous a appris dans son Histoire Critique du Vieux Testament que Moïse n'était pas l'auteur du Pentateuque. Les esprits avisés de son siècle comprirent quels dangers cette désacralisation représentait pour l'autorité de l'écriture et donc des Eglises catholique et protestante. Bossuet voyait en lui "un libre-penseur déguisé en prêtre"
Un pieux protestant, John EVELYN, écrivait à l'évêque d'Orford Page 204 : "Il faut bien reconnaître qu'il s'agit là d'un chef-d'oeuvre du genre mais au bout du compte il n'est pas facile de deviner si c'est un Papiste, un Socinien ou simplement un Théiste , mais il est évident que chacun peut selon lui, faire des Ecritures ce qu'il veut; pour l'amour de Dieu, que nos Universités, Monseigneur, ne gardent pas le silence, il s'agit de la cause de Dieu et de notre Eglise"
Concrètement il ne s'agissait pas tant de la cause de Dieu -qu'est-ce.qu'un dieu dont l'infinitude se réduirait à une quarantaine de livres?- que de la cause d'une Eglise qui justifiait son existence par les Ecritures. Le Vieux Testament ne s'honore plus, depuis au moins un siècle, du titre du livre le plus ancien de l'humanité. Il constitue pour nous la reprise de récits mésopotamiens, amalgamés à une loi, dont les autorités perses ont voulu, après l'exil des Juifs à Babylone, possèder le contenu. Les anciennes Ecritures judéennes répondent au double besoin des autorités d'occupation, et de la faim d'identité du peuple, après les épreuves subies et la destruction du Temple de Salomon.
On consultera avec profit:
-"Le Pentateuque en question" -édité par A. de PURY et TH.ROHMER chez Labor et Fides -Genève 1991 -2ème éditeur.
-"Le Pentateuque" -édité par Cerf -Paris 1992 -Travaux du 14ème Congres en Septembre 1991 de l'Association Catholique Française pour l'étude de la Bible.
-"Israël construit son histoire" - édité par A. de PURY, Th.ROMMER et J.D.MACCHI -chez Labor et Fidès -Genève 1996.
-"La Réforme catholique" de G.BEDOUELLE -in "Le temps des réformes et la Bible" -édité par Beauchesne -Paris 1989. A l'intérieur de la Réforme le débat existait aussi au 16ème siècle. Carlstadt refusait au Pentateuque tout entier son authenticité mosaïque, que Luther maintenait.
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36 -Cf. "Dictionnaire historique de la Papauté" -édité par Fayard -Paris 1994. Article PIE VI -par Marina CAFFIERO
-page 1333 : "A la suite de la promulgation de la Constitution civile du Clergé (été 1790) et de l'obligation faite aux prêtres de prêter serment de fidélité à la nouvelle loi, par le Bref Quod Aliquantum du 10 Mars 1791, il condamna en bloc l'œuvre de l'Assemblée Constituante en matière ecclésiastique ...et les principes de liberté et d'égalité qui avaient guidé l'action des constituants dans le domaine politique, qu'il définissait comme étant contraires aux droits de Dieu "      retour    
37 - cf. R . DAMASIO - in " L'erreur de Descartes " - édité par Odile Jacob Paris 1995
Page 16 : "Je suis tout à fait sceptique devant les prétentions de la science à l'objectivité et à la vérité. Il m'est certes pénible de voir que les résultats scientifiques, surtout en neurobiologie, ne sont rien d'autre que des approximations provisoires, que l'on peut trouver bonnes un moment, mais seulement jusqu'à ce qu'elles soient écartées pour laisser place à de meilleures interprétations... "        retour       
38 -Cf. Les Conciles œcuméniques - Tome II - Les Décrets -2- Vatican l - Session IV du 18 Juillet 1870 - Première Constitution dogmatique sur l'Eglise du Christ - Chapitre III - pouvoir et nature de la primauté du Pontife Romain. ' Pages 1655 -1657 :" Si donc quelqu'un dit que le Pontife Romain n'a qu'une charge d'inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute Eglise, non seulement en ce qui touche à la foi et aux moeurs mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l'Eglise répandue dans le Monde entier, ou qu'il n'a que la part la plus importante et non pas la plénitude totale de ce pouvoir suprêmeou que son pouvoir n'est pas ordinaire ni immédiat sur toutes et chacune des Eglises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles: qu'il soit anathème" Chapitre IV "Le magistère infaillible du Pontife romain" Page 1659 : "Nous. enseignons et définissons que c'est un dogme révélé par dieu que le Pontife Romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l'Eglise, jouit, en vertu de l'assistance divine qui lui a été promise en la personne de Saint-Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Eglise"    retour
39 -Cf. A.LOISY -in "La Religion" -Op.cit. Page 306 :
" Il n'est pas prouvé, il n'est pas à prouver, que, mis à part le mirage de la foi, le mystère du Salut par la mort expiatoire de Jésus soit autre chose que la sublimation du plus abominable des sacrifices, le sacrifice humain magie divine où la foi n'est sûre d'elle-même qu'à condition de ne point s' examiner     retour
40 Cf. A.LOISY -in "La Religion" -Op.cit. Page 307 :
"Pas plus que la prière le sacrement n'a réalisé quoi que ce soit de son objet apparent...nous avons toujours été dupes de notre propre action, de notre besoin d'agir...si l'on veut bien y regarder, il y a tout autant de magie - à moins qu'il n'y en ait infiniment davantage, bien que ce soit une magie plus raisonnée et plus moralisée - dans le mythe et les rites du Salut chrétien que dans le mythe et les rites du totémisme australien"
Cf. Eugen DREWERMANN - in "Dieu en toute liberté" -
édité par Albin Michel Paris 1997. Page 24 : "Il faut bien constater, alors, que la théologie de l'Eglise catholique pratique le fétichisme conceptuel, au sens le plus strict du mot, toute l'attitude affective du croyant face à l'ensemble des articles de la foi devant être définie comme totalement magique: le fétiche constitue le condensé objectif, le support réifié de toutes les aspirations religieuses du sujet, qui s'y contemple lui-même, sans le savoir, sous cette forme aliénée "
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41 - cf . E . POULAT - in "L'Ere postchrétienne" -édité par Flammarion -Paris 1994
Page 191 : "Un édifice de certitude se met à se défaire; la conscience prend un tour nouveau. Il ne s'agit pas du problème de la vérité, telle que la raison théologienne philosophique ou savante a coutume d'en débattre, ni même du problème de l'aliénation, qui présuppose un Monde vrai à retrouver ou à établir, mais de ce que les anthropologues appellent le problème de la réception: un mystérieux processus social convertit en une conviction généralisée des intuitions isolées et des intentions méconnues. Au terme, tout le monde s'étonne. Comment a-t-on pu ainsi penser si longtemps et pourquoi n'a-t-on pas pu penser autrement plus tôt? La question se pose dans tous les les domaines, et en religion comme en science: c'est une affaire de société, de la société toute entière".
L'auteur analyse ensuite "l'expérience française" (de déchristianisation) pour reconnaître son irréversibilité. Il se demande (note 2, page 190) si l'ouvrage de J.MARITAIN "Le paysan de la Garonne" ne devrait pas être compté parmi les facteurs de déchristianisation.
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42 - Tous les membres du Clergé catholique sont sollicités, peu ou prou, par les techniques modernes de télécommunication, ils deviennent "des communicants", et peuvent tenir, occasionnellement ou périodiquement à intervalles plus ou moins rapprochés, du fait de leur statut religieux, un rôle de vedettes dans une émission de radio ou de télévision. Professer la vérité absolue et . exclusive de leur religion, à l'encontre du relativisme contemporain, aboutit à créer un véritable "fonds de commerce" de l'étrangeté dans le but d'augmenter leur influence sociale et d'imposer leurs croyances. Un exemple typique nous en est fourni par Monseigneur Di Falco, ancien porte-parole de l'évêché de Paris, dont les apparitions aux journaux télévisés lui ont permis par la diffusion de ses messages d'obtenir une notoriété, qui, elle, a imposé son visage et son nom, puis ses livres sur des sujets religieux traités très conventionnellement. Sa nomination au rang de Monsignore arriva comme une consécration de ses talents et des services rendus à son Eglise; nul doute qu'il n'obtienne un grade plus élevé dans la hiérarchie en continuant ce travail de "communicant".
      Ce qui ne va pas sans quelques dangers parfaitement illustrés, par le Cardinal de Paris, véritable star du système; fréquemment, il est le sujet d'émissions télévisées qu'il met à profit pour répandre le message évangélique. Il oublie toujours d'indiquer:
               - Les raisons pour lesquelles il a choisi tel ou tel passage;
               - La contradiction entre ce texte et tel autre de tel autre livre du Nouveau Testament;
                - Et que, scientifiquement parlant, les paroles de Jésus lues par lui ne sont pas des propos authentiques; personne ne saurait l'affirmer. Ces paroles sont mises dans la bouche de Jésus par un auteur inconnu, elles constituent un contenu littéraire et non un événement historique.
En définitive; les techniques les plus modernes de communication constituent des sources de financement pour l'Eglise romaine et ses membres pris individuellement, du fait même non seulement de l'étrangeté de leurs croyances, mais de la tradition rassurante incarnée dans ses rites. Ces techniques de "consommation commerciale" lui permettent d'administrer efficacement l'inconscient de futurs sujets. La hiérarchie catholique n'est pas encore guérie de sa volonté de puissance, de son appétit de pouvoir temporel, elle a besoin de troupeaux fidèles et obéissants
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43 - cf - Marie - josé MONDZAIN - in " images, icône, économie " - édité par Le Seuil - Paris 1996
L'auteur décrit de façon très convaincante la guerre pour les icônes du 8ème au 10ème siècle, à Byzance, et ses sous-entendus psycho-sociologiques; lutte dans laquelle:
Page 17 : "Peut-être l'Eglise a-t-elle été plus consciente qu'on ne le suppose du fait qu'elle avait à administrer l'inconscient de ses sujets" Il s'agissait en définitive de savoir qui serait le maître des images. L'Empereur voulait s'en réserver l'exclusivité et le bénéfice, par le biais d'images iconoclastes, sous la forme de croix abstraites. Mais l'icône (P.19) était douée d'une puissance spécifique telle qu'elle conduisit Nicéphore, Patriarche de Constantinople, à affronter sans merci l'Empereur Léon V jusqu'à l'exil, la mort et finalement la victoire, tant il paraissait impossible de gouverner l'Eglise sans icône. Certaines citations de Nicéphore sont pour le moins troublantes, pour qui a exploré la moderne psychologie des profondeurs.
Page 114 : "L'icône est en relation avec l'archétype, elle est l'effet d'une cause" Mais qu'est-ce qu'un archétype? "L'archétype est le principe et le modèle subsistant sous la forme, visible, que l'on figure d'après lui, et il est la cause d'où dérive la ressemblance... L'icône est une réplique de l'archétype"
Page 115 : "Ainsi donc l'archétype est archétype d'une icône, et l'icône est image archétype" Ces citations à propos de l'icône ont à mon avis le grand intérêt de bien situer l'origine psycho-sociologique de tout phénomène religieux. . On ne saurait mieux définir l'archétype comme "image première dynamique". Dans le chapitre sur l'économie de l'icône, les références aux Pères occidentaux et particulièrement Origène ne peuvent avoir de sens que pour l'auteur lui-même. Je doute que ces textes aient influencé Nicéphore, à un moment où Rome et Constantinople s'étaient déjà fortement éloignées l'une de l'autre; de plus Origène, condamné par le 2ème Concile de Constantinople de 553, figurait parmi les hérétiques
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44 - On ne saurait trop insister sur la volonté de puissance de la Papauté manifestée au cours des siècles depuis Ambroise de Milan jusqu'à nos jours quant à la conquête, puis la conservation du pouvoir temporel. Contrairement aux affirmations d'Eugen DREWERMANN (op.cit. - page 19), le catholicisme romain n'est pas un avatar spirituel de l'impérialisme romain; il se tient en véritable successeur de l'Empire romain d'Occident. Il lui fallut pour s'établir deux siècles de luttes par le moyen d'appuis divers, après le règne de Justinien, qui reprit aux Vandales et Ostrogoths à partir de 535 l'Afrique du Nord et l'Italie; il nomma un vice-roi à Ravenne, pratiquement sans pouvoir, qui fut chassé dans les années 750 par les Lombards.
L'évêque de Rome reçut le titre de duc jusqu'à ce que, craignant pour sa vie, Etienne II, traversant les Alpes en plein hiver de 754, vint solliciter l'aide de pépin le Bref pour le protèger de ces Lombards installés désormais à Ravenne au lieu de Milan, à la place du vice-roi oriental. L'année 754 constitue donc l'année charnière qui vit d'une part la rupture décisive des liens entre Rome et Constantinople, d'autre part la création du premier Etat pontifical, Etat théocratique, par la puissance duquel les papes tentèrent fréquemment de s'imposer à la volonté des empereurs et rois; cet Etat subsiste de nos jours sous la forme du minusculissime Vatican. Bien qu'il ne possède aucune force le Pape maintient présentement, en tant que Vicaire du Christ, incarnation du Christ sur Terre, qu'il proclame une loi divine s'imposant à toutes les consciences, au-delà des lois des sociétés civiles. Il déroule le même discours qu'Ambroise de Milan tint à Théodose en 390.
      Ambroise fut en son temps, sous le costume de l'Evêque de Milan -Milan, capitale de l'Empire romain d'occident pendant tout le 4ème siècle -le véritable maître de cet Empire. Il obtint en 382, de Gratien, frèle successeur de Valentinien son père, l'abandon du titre de Pontifex Maximus, c'est-à-dire la désacralisation de l'Empereur (Cf. G. BOISSIER" La fin du paganisme" -édité par Hachette -Paris 1903 -4ème Edition -Tome II -pages 258 et 259). Pontifex Maximus, titre qui aurait dû être logiquement attribué au Christ; il fut récupéré au siècle suivant par Léon 1er. au profit de l'Evêque de Rome qui se désignait ainsi en un premier temps comme successeur des empereurs dans leurs fonctions religieuses. Ambroise obtint en 392 de Théodose, après le génocide de Thessalonique de 390, les édits d'interdiction des cultes autres que le culte chrétien; il déclancha ainsi une véritable "révolution culturelle" à l'encontre de ce que nous appelons le paganisme.
      Ambroise, héritier d'une famille sénatoriale qui traditionnellement.' fournissait à l'Empire, Gouverneurs, Consuls et autres magistrats de premier rang, son père Préfet des Gaules et lui-même Gouverneur de l'Italie du Nord, Ambroise ne pouvait voir dans les empereurs ses contemporains, même si soldats de valeur mais en quelque sorte sortis du rang: à Milan, Valentinien et ses fils Gratien et Valentinie~ II -à Constantinople, Valens et Théodose, Ambroise ne pouvait voir en eux que des parvenus jugés à l'aune de sa suffisance aristocratique. Non encore baptisé, il accepta son élection populaire à l'évêché de Milan, parce que vraisemblablement il vit dans sa "conversion" le moyen de s'imposer à tous et de faire règner à travers lui les vieilles familles sénatoriales. L'adoption de l'histoire chrétienne du Salut lui garantissait l'obéissance des masses serviles et plébéiennes, d'autant que sa fortune, par ses dons personnels, aidait fortement à renforcer son patronage.
      Les rites de la nouvelle religion, où se retrouvaient les principales formules magiques des anciens cultes à mystères, lui valaient de semer une certaine crainte chez nombre de personnes touchées par une religiosité maladive. Surtout, Ambroise, sut, le premier, tirer le plus grand profit de la lecture d'une loi divine qui poussait Théodose à s'agenouiller devant lui pour obtenir le pardon de ses fautes, et suivre les "conseils" de l'Evêque de Milan agissant déjà, en l'occurrence, comme Vicaire du Christ. Dans l'histoire de la Papauté, bien que non Evêque de Rome, Ambroise incarna le type même du souverain roi des rois.
      L'erreur résida en la création de l'Etat pontifical en 754, par le jeu de la fausse "donation de Constantin". Etienne II ne pouvait imaginer qu'en devenant un monarque comme les autres, il ouvrait la voie à une contestation séculaire de ses possessions par les autres rois. Finalement, le rappel ultérieur par le Concile de Trente que ces Etats appartenaient personnellement à Dieu, n'a pas suffi à écarter l'aggiornamento et l'unification de l'Italie.
Cf . PETER BROWN - in " l'essor du christianisme occidental " édité par Le Seuil Paris 1997. Je me suis précipité pour lire, dès sa parution, le dernier ouvrage traduit de Peter BROWN; ma déception est à la mesure de mon attente. Je ne comprends pas pourquoi l'auteur, historien admiré pour ses connaissances de l'Antiquité Tardive, a délibérément choisi de minimiser ou passer sous silence des faits aussi connus que les Terreurs des "temps chrétiens" au 4ème siècle: assassinat de sa parenté par Constance II; guerre de succession épiscopale romaine entre Ursinus et Damase, racontée par Ammien Marcellin (Cf.G.BOISSIER Op.cit. -Tome II -pages 263 et 351), qui laissa des centaines de morts sur les carreaux des basiliques;
              "Terreur noire" développée par les bataillons de moines aux ordres des évêques pour détruire ou s'emparer des richesses des Temples ou des maisons particulières des non chrétiens;
     - Pas un mot sur l'étripage d'Hypatie - n'aurait-il pas lu le "Livre d'Hypatie" de Mario LUZI?
     - Pas un mot sur la "donation de Constantin" : "La donation de Constantin qui fit son apparition à l'époque des Carolingiens pour stimuler leur générosité envers le Saint-Siège n'est qu'un faux éhonté de fabrication romaine" (J.CARCOPINO -Op.cit. -page 211).

      L'auteur établit par contre des faits très importants comme "la révolution" de l'écriture minuscule à la fin du 8ème siècle, mais sans en tirer les conséquence pratiques de l'illisibilité progressive des plus anciens manuscrits. Enfin, réduire l'essor du Christianisme occidental à la traduction de morceaux choisis d'auteurs chrétiens, même importants, est-ce celà écrire l'Histoire? N'est-elle pas plutôt incarnée dans ces colonnes d'esclaves (chrétiens) poussés -sous le regard indifférent du Pape, petit-fils de Pape, Grégoire 1er. dit le Grand, uniquement préoccupé du "gouvernement des âmes" -poussés par des Lombards prédateurs vers des places de marché pour y être vendus, emportant avec eux leur religion qu'ils essaimeront dans l'Europe occidentale entière? retour
45 -Cf. Robert HARRISON -in "Rome, la pluie -A quoi bon la littérature?" Edité par Flammarion -Paris 1994.
Page 99 : "Si l'écrivain a une quelconque responsabilité, c'est de se situer en dehors du système, d'en trouver les contours et de les franchir pour répondre au chant de l'autorité par le contre-chant de la liberté La mission pédagogique, si elle existe, est de nous apprendre à parler contre le Monde, à nous défier du langage des orthodoxies, à lutter contre la rhétorique de la conformité et à maintenir vivante la voix de l'ironie, et par conséquent de la dissension" retour

 

ADDENDUM :    SOLA SCRIPTURA


     Si on applique aux textes "divins", ceux que l'Eglise romaine déclare avoir Dieu pour auteur,  les réflexions de P.Ricoeur sur l'herméneutique et particulièrement cette déclaration:
                        " est seul pertinent l'acte du lecteur ",
l'on est pris d'un trouble profond, puisque l'écriture "divine" n'aurait plus aucune signification "sacrée",  noyée au fond de l'océan des lectures individuelles, à moins que chaque lecteur ne se prenne inconsciemment pour Dieu lui-même.
     Il nous faut donc revenir aux questions ordinaires sur la composition d'un texte. Celle-ci exige trois éléments:
          - Un support: pierre, brique, papyrus, tissu,peau, papier etc.....
          - Des signes significatifs tracés sur le support, extraits d'un code de communication utilisé par une communauté déterminée.
          - Un auteur (connu ou inconnu), qui a tracé ces signes soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un scribe; dans ce cas, très fréquent avant l'invention de l'imprimerie et l'utilisation habituelle du support papier, compte tenu de la difficulté matérielle de l'acte d'écrire, les signes tracés peuvent ne pas correspondre exactement à la volonté de l'auteur-concepteur.
A l'origine, il y a la conception du message. Celle-ci est conditionnée essentiellement par:
          - La spécificité du destinataire, privé ou public, simple individu ou foule plus ou moins importante, voire une nation entière.
          - Le sujet de la communication. Autrefois, la conception influait directement sur le choix du support; un message de nature juridique destiné à une tribu ou à un peuple, s'inscrivait sur un support résistant au temps, pierre ou métal, de façon à informer les générations d'hommes à venir, des volontés du concepteur: par exemple, le code d'Hammourabi gravé sur une colonne de pierre, ou la Loi juive taillée sur des pierres polies en forme de tables.

     La présence virtuelle du destinataire auprès du concepteur, au moment même de la concrétisation du message, pose inévitablement la question de sa lecture par celui-là, et donc de l'illettrisme. Comme le développement de l'alphabétisation et de l'écriture date en Europe occidentale, en France, du XVIIIème siècle seulement, on peut estimer himalayenne l'épaisseur de l'hétéronomie, de la peur du "puissant" dont les foules incultes dépendaient; augmentée,si possible, par les superstitions de toute sorte et la faim de magie nourries par l'état d'extrême soumission des simples individus, voyant un sauveur dans l'homme qui les gouvernait. Celui-ci, dans sa volonté d'être obéi toujours et partout dans son domaine, laissa se développer par ses fonctionnaires lettrés la légende de l'origine "divine" de son pouvoir. Varron à Rome, au premier siècle avant notre ère, mettait fortement en doute ce qui était alors tenu pour une vérité, et qui le resta de facto jusqu'à la Révolution Française. Pratiquement, l'illettrisme rendait impossible la lecture de quoi que ce soit en dehors des déclarations des lecteurs officiels.

     L'autonomie acquise depuis lors conduisit à une lecture distanciée des textes présentés par l'Eglise romaine comme "sacrés" sur lesquels elle appuie encore ses commandements dans son désir d'un gouvernement universel des âmes pour garantir ses intérêts temporels d'Etat du Vatican. Deux remarques principales peuvent être faites:
          - D 'une part, l'impossibilité de l'existence de textes "sacrés", juifs ou romains ou islamiques etc... du fait de l'unicité divine. Si un seul dieu créateur existe, comme l'annonce l'Eglise romaine, il est le créateur du Monde terrestre dans sa globalité, et de l'humanité entière. S'il veut s'adresser aux hommes,dont il connaît dans son omniscience les insuffisances de compréhension, il leur parlera directement et simultanément dans leurs langues spécifiques et ne confiera pas à des prophètes ou apôtres d'un peuple déterminé le soin de recevoir ce message "divin" pour le transmettre, sachant que celui-ci sera inévitablement et totalement déformé par les intérêts des divers locuteurs intermédiaires. Pour croire avec vraisemblance à une parole "divine" incluse dans le Canon dit chrétien, par exemple, il faudrait que nous trouvions les mêmes textes dans les différentes langues parlées par les hommes, parus à la même période; pure utopie!
          - D' autre part, si l'on admet l'existence prouvée raisonnablement et historiquement d'un message "divin" dans ce Canon, le texte devrait, pour le moins,refléter cette origine "sacrée"; il devrait manifester des qualités exceptionnelles de clarté et de force pour que chacun en perçoive le contenu sans hésitation,immédiatement, en en respectant scrupuleusement la lettre. Le caractère "sacré" du texte considéré ne devrait pas permettre d'autre lecture que celle de sa littéralité, entraînant une obéissance absolue aux ordres de "l'Empereur Céleste" . Mais, si chacun peut lire sans hésiter "tu ne tueras point", par exemple,force est de constater que l'Eglise romaine, dédaignant totalement l'origine "divine" de ce texte, fut l'organisatrice de grandes tueries pour la défense ou la promotion de ses intérêts matériels d'Etat. Elle utilise la nature soit disant "divine" du Canon dit chrétien pour mieux asservir des foules, qui,par présupposés, superstition ou appétit de magie, croient voir dieu lui-même en la personne, très affaiblie présentement, du prétendu héritier de Constantin, son représentant à Rome, le Pape.

     En définitive, Dieu est absent de toute littérature. Le faire parler relève d'un genre littéraire par lequel l'auteur-concepteur espère obtenir l'adhésion totale des lecteurs. Un texte "divin" devrait être reçu littéralement, à la lettre; il n'y a pas de contenu littéraire plus interprété que le Canon dit chrétien ou la Bible juive. Depuis les leçons de Philon l'Alexandrin; qui aurait été le contemporain de Jésus au début de notre ère, mais n'a jamais parlé d'un dieu parmi les hommes, de son temps, en Palestine, pourtant assez proche d'Alexandrie, depuis les leçons de Philon, les interprétations allégoriques, typologiques, spirituelles ont crû. dans des proportions telles qu'on a pu dire à propos de ces textes "sacrés" : " la lettre tue ".

     Ce jugement apporte la condamnation définitive du concept de littérature "divine" puisque:
          - D' une part, il constate l'erreur ou l'insuffisance du "livre", qui oblige à en oublier la lettre sans signification acceptable.
          -D' autre part, il permet à chaque lecteur de développer à partir du "livre" une interprétation allégorique, spirituelle ou autre, qui convienne à sa conscience,qui le satisfasse pleinement au moment de sa lecture.


En conclusion, pour revenir à l'herméneutique de P.Ricoeur, la constatation que:
           "seul est pertinent l'acte du lecteur"........" l'acte du poète (écrivain) est aboli.."
situe définitivement les livres dits chrétiens dans les limites du champ humain; leur lecture offre à chacun la possibilité de retrouver ce qu'il possède en lui-même. Qualifier ces livres de "divins" relève d'un conditionnement séculaire de l'inconscient collectif des "fidèles" de l'Eglise romaine.

     Nous voyons là une illustration saisissante des paradoxes constitutifs de la doctrine christianiste, dite chrétienne. On proclame la valeur unique de l'écriture, de la lettre, par la formule répétée à satiété: sola scriptura.Mais les fidèles sont conduits à l'oublier totalement du fait de son insignifiance; ils s'enferment dans les interprétations les plus débridées suscitées par leur imaginaire. Dieu n'est qu'un concept d'homme objectivé; l'homme n'est pas la création de Dieu, mais tout dieu est la créature de l'homme; ce qui, compte tenu des diverses civilisations répandues sur la Terre, explique le grand nombre de divinités appelées à peupler le Ciel.
                                   
                                   Une religion vraie devrait être une religion sans dieu.



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