Reconstitution du XVIII ème siècle de la mosaïque qui décorait l'abside du triclinium du palais du Latran, construite par le pape Léon III à la fin du VIII ème siècle |
On a ici un nouvel
exemple des manipulations de l'Eglise romaine pour fonder sa suprématie,
ici bas. |
I L'Eglise, administration religieuse de l'Empire ( 325 - 750 ) | |
II Les premiers temps de l'Etat pontifical ( 754- 1054 ) | |
III Après les accords de Latran (1929 ) |
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1 L'EFFACEMENT PROGRESSIF DE L'EMPIRE
D'ORIENT 1 La religion chrétienne au
IVème siècle
2 Constantin, l'homme divin de l'Empire 3 Constantin, Chef de l'Eglise catholique 4 L'Eglise romaine. après la dynastie constantinienne (364 -754)
EN COURS
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SOMMAIRE
1
L'EFFACEMENT PROGRESSIF DE L'EMPIRE D'ORIENT
2
ETIENNE II -HERITIER DE CONSTANTIN
3 L'ETAT PONTIFICAL JUSQU'AU SCHISME D'ORIENT
a)
Rome et les Carolingiens (754 -888)
b) L'intermède
spolètain et la famille de Théophylacte (890 -950)
c) L'emprise
des Allemands (950 -1054)
d) La
voie de la Réforme
e) Résumé
conclusif
a) Rome et les Carolingiens (754 -888)
L'Histoire des trois premiers siècles de l'Etat-Eglise
Pontifical dévoile au lecteur, règne après règne,
la violence de situations totalement inattendues s'agissant d'une Institution,
qui se drape depuis ses origines dans sa "sainteté" et sa "divinité".
A l'extrême opposé de la douceur évangélique annoncée
et d'un amour effectif du prochain journellement prôné, la monstruosité
de certaines attitudes révèle le dévoiement d' humains
totalement affolés par le Pouvoir,soit que, le possèdant, ils
craignent de le perdre, soit qu'ils aspirent à l'acquérir.
Dès la mort d'Etienne II en 757, son successeur,
son frère Paul 1er, passa les dix années de son Pontificat à
opprimer le peuple dans la crainte d'un soulèvement contre sa personne.
Il employa des "satellites iniques" qui remplirent ses prisons d'innocentes
victimes promises à une exécution mortelle; si bien, qu'à
sa mort, en juin 767, une conjuration se forma contre la poursuite de cette
politique dirigée par le primicier Christophe, chef de la Chancellerie.
Une partie importante de l'aristocratie, sous la direction du duc Théodore
ou Toto, en résidence à Népi mais qui avait une maison
à Rome, se ligua contre le clergé. Un ami de Christophe, le duc
Grégoire, fut assassiné. Christophe et sa famille quittèrent
de toute urgence le Latran pour Saint-Pierre.Un frère de Théodore
(Toto), Constantin, un militaire, fut acclamé par la foule au Latran;
il fut ordonné sous-diacre et diacre, puis, le dimanche 5 juillet 767,
consacré Pape par l'Evêque de Préneste assisté des
Evêques d'Albano et de Porto. Constantin assura la vie sauve à
Christophe sous la condition de se retirer dans un monastère, avec son
fils Serge. En avril 768, les deux condamnés choisirent de se rendre
dans un monastère du duché de Spolète, mais, dès
qu'ils furent hors des frontières romaines, ils s'échappèrent
et gagnèrent Pavie, où ils s'entendirent avec Didier le roi lombard.
Celui-ci fit remettre à Serge la direction d'une armée levée
par le duc de Spolète; cette armée arriva sur le pont Salario,
sur le Tibre, le 27 juillet 768 au soir; le lendemain, la troupe franchit les
murs de Rome. Théodore était en train de renverser la situation,
lorsqu'il fut trahi et frappé par derrière, sa mort désorganisa
la défense. Constantin, Pape depuis un an et un mois, se réfugia
dans une chapelle du Latran, d'où on le délogea pour l'emprisonner
en compagnie de plusieurs personnes.
Les Lombards firent élire Pape et consacrer
le Supérieur d'un couvent dénommé Philippe, qui donna suivant
la coutume un festin à ses électeurs, notables , militaires et
ecclésiastiques. Toutefois, Christophe suscita une autre candidature.
Il fit reconduire Philippe à son monastère, et, le 1er. août,
réunit toute la population de la Ville sur le Forum; il fit accepter
son candidat, Etienne, qui fut consacré le dimanche 7 août sous
le nom d'Etienne III.
Sans attendre la cérémonie, on fit
sortir les prisonniers du Latran. Les deux Evêques, amis de Constantin,
eurent les yeux crevés et furent incarcérés dans des monastères.
Quant au malheureux Constantin, on le fit comparaitre devant un tribunal ecclésiastique,
qui le déclara déchu du Pontificat; on l'emprisonna dans le monastère
de Saint Sabbas, d'où il fut tiré par un groupe de partisans de
Christophe. On lui creva les yeux, ainsi qu'à plusieurs personnes, dont
un prêtre lombard nommé Waldipert, qui mourut aussitôt. Les
actes de Constantin furent déclarés invalides; on finit par l'enfermer
dans l'in-pace d'un monastère où il s'éteignit.
La mort de Waldipert provoqua l'animosité
du roi lombard Didier contre le primicier Christophe. Le Pape Etienne III se
lassait à son tour de la tutelle de ce dernier. Didier et Etienne s'entendirent
à l'occasion d'un pélerinage du roi, de Pavie à Rome, durant
le Carême de 771. Christophe et Serge, son fils,alertés, fomentèrent
une émeute contre Etienne III et Didier. Le Pontife se réfugia
à Saint-Pierre et abandonna à la vengeance de Didier ceux à
qui il devait le pouvoir. Christophe et Serge furent trahis, notamment par le
duc Gratiosus, l'un des assassins du duc Théodore en 768. Affolés,
ils en appelèrent à la clémence du Pontife en se réfugiant
eux aussi à Saint-Pierre, où Etienne III les laissa. Les partisans
du roi s'emparèrent d'eux, et les conduisirent près du pont Saint-Ange.
Là, on leur creva les yeux; Christophe en mourut aussitôt. Serge
fut jeté dans une geôle au Latran; quelques jours avant la mort
d'Etienne III, le 3 février 772, on le tira de sa prison, on l'étrangla
à moitié et on l'enterra encore vivant.
Des scènes similaires se répétèrent
fréquemment, puisque l'attribution du Siège épiscopal de
la Ville entraînait l'appropriation de biens fonciers très importants.
L'Evêque de Rome, comme tout autre évêque, était élu
par sa Communauté. La question se posait d'abord de la composition du
collège électoral. S'agissait-il des seuls habitants de la Ville?
ou de la population entière du duché de Rome? L'électorat
était-il composé uniquement d'ecclésiastiques? ou comprenait-il
d'autres catégories sociales, notamment les aristocrates militaires?
En tout état de cause, le Pape appartenait par sa famille à un
lignage de la noblesse romaine, et son élection, même par un collège
restreint d'ecclésiastiques, représentait la victoire d'un ou
plusieurs clans associés sur leurs compétiteurs; chaque élection
avivait inévitablement les rivalités; elle dressait les blocs
les uns contre les autres et ne pouvait que provoquer les situations les plus
dangereuses pour les protagonistes; la vengeance nourrissait la vengeance. La
faim du pouvoir et des richesses a toujours été à Rome
plus déterminante que le précepte "divin" : "Tu
ne tueras pas"; notons toutefois que des dix commandements de la Loi, aucun
ne traite de la crevaison des yeux!
Cet imbroglio mafieux et dangereux eut deux conséquences:
- la
crainte perpétuelle de la trahison conduisit les papes à confier
les postes de direction de leur Etat à des membres sûrs de leurs
familles; ce qui devait beaucoup plus tard donner sa structure au népotisme
(1)
- la
peur de ruptures cahotiques dans le gouvernement de l'Etat à chaque élection
pontificale conduisit au développement d'un esprit de "corps"
dans l'Administration du Siège dit apostolique; celle-ci devint l'élément
de permanence indispensable pour l'application d'une politique efficace et l'incarnation
d'une volonté de puissance collective. Cette Administration fournit le
lieu de réflexion où se forgèrent les "vérites
de la foi", les dogmes aptes à assurer la plus grande gloire de
"Dieu", c'est-à-dire de l'Eglise romaine. Les "plus grands"
papes du Moyen-Age, tel Grégoire VII dans les années 1073 et suivantes,
seront les personnages qui mettront en oeuvre cette volonté collective
et dépasseront la mesure, se disant infaillibles et les seuls représentants
de la divinité; en celà, ils se manifesteront comme les dignes
héritiers de l'Empereur Constantin.
Toutefois, avant de prétendre au vicariat
christique et au droit de désigner rois et empereurs en Occident, il
fallut apprendre à composer avec les Carolingiens, grâce auxquels
les papes romains étaient devenus des souverains. Une étape décisive
fut franchie par Hadrien, successeur d'Etienne III durant l'hiver 772 -773.
Didier, roi des Lombard, se livrait de nouveau
à des pillages du duché de Rome. Le Pape négocia en même
temps qu'il écrivait à Charlemagne.Celui-ci au milieu de l'année
773 rassembla ses troupes en Suisse et dirigea deux corps d'armée sur
l'Italie du Nord. Les Lombards mis en déroute, les principales villes:
Pise et Vérone etc... se soumirent. Le Pape en profita pour s'attribuer
des régions importantes. Au printemps 774, Charles annexa le royaume
Lombard, envoya Didier et son épouse dans un monastère de Corbie,
et se sacra roi des Lombards. Le 6 avril, il vint à Rome et signa avec
le Pape une série d'Actes par lesquels Hadrien, en possession de la Chaire
de Saint-Pierre, exerçait désormais le pouvoir temporel et la
souveraineté au nom de l'Apôtre, sur les territoires provenant
des donations des Francs et des anciens Grecs, c'est-à-dire le duché
de Rome agrandi, l'ancien Exarchat, la Pentapole et les territoires intermédiaires.
Cependant, même Hadrien provoqua contre
lui un mécontentement généralisé; attisé
il est vrai par Constantinople. Charles dut faire la police et rétablir
l'ordre en 776, 780 et 787. Ses interventions dans le gouvernement de Rome étaient
de plus en plus visibles. Hadrien avait installé son Patron à
la porte même de ses Etats.
Hadrien, mort en 795, fut remplacé par
Léon III contre lequel se ligua aussitôt la famille du pape défunt.
La présence policière des Francs fut encore plus nettement ressentie;
le Pontife était de moins en moins le maître de ses sujets. Une
véritable conjuration éclata le 25 avril 799. Léon III,
emprisonné, réussit à s'échapper; il se mit à
l'abri à Spolète et rejoignit Charles en Saxe.La conjuration cessa
et le Pape revint le 29 novembre 799 à Rome, où Charles lui-même
se rendit un an plus tard. Charles estima nécessaire pour Léon
III de se justifier par serment devant une Assemblée populaire qui se
tint le 23 décembre 800. Le jour de Noël de cette année,
Charles fut acclamé et proclamé "Grand et Pacifique"
Empereur des Romains et Souverain de Rome. Le Pape était donc reconnu
son sujet, mais Léon III mit à profit la cérémonie
pour couronner lui-même l'Empereur, sans que celui-ci, semble-t-il, en
fût informé préalablement. Le Pape affirmait ainsi, malgré
un état d'infériorité estimé provisoire, qu'il était
l'héritier de Constantin, véritable empereur des Romains.
Aussi bien, après la mort de Charlemagne
en 814, les princes Francs ne voulurent plus être sacrés par un
pape. En.817, Louis le Pieux couronna lui-même son fils aîné
Lothaire, Empereur, à Aix-la-Chapelle. Après les intermèdes
d'Etienne IV (816 -817) et de Pascal (817 -824), Louis envoya Lothaire à
Rome en 824 pour rétablir un ordre toujours troublé par les rivalités
entre la noblesse et un clergé avide de pouvoir et de richesses, d'où
complots, violences, yeux crevés, abus de toute sorte... Le pape était
alors Eugène III qui mourut en 827, après avoir reçu la
Constitution de Lothaire. Celle-ci établissait clairement, entre autres
dispositions, que les magistrats de Rome devaient se présenter devant
l'Empereur Carolingien; deux envoyés de l'Empereur séjourneraient
à demeure à Rome et lui feraient un rapport annuel sur la situation
de l'Etat Pontifical; le pape devait désormais être élu
par les seuls Romains y compris les laïcs; cette élection devait
être soumise à la ratification de l'Empereur.
En 840, l'Empereur Louis mourut, ses trois fils
divisèrent l'Empire carolingien en trois parties par le Traité
de Verdun en 843. Lothaire, l'aîné, Empereur, hérita de
la Lotharingie, c'est-à-dire de la partie médiane de l'ancien
Empire, partie qui comprenait l'Italie. Mais, l'horizon politico-militaire était
extrêmement obscurci du fait des raids des Sarrazins venus de Tunisie
qui s'étaient, depuis 831, rendus maîtres progressivement de Palerme
et de toute la Sicile.
.
Depuis 840, ils avaient pris pied dans le duché
de Bénévent en Italie du Sud. Ils débarquèrent à
l'embouchure du Tibre le 23 août 846, remontèrent le fleuve, pillèrent
complètement Saint-Pierre, mais ne purent franchir les remparts de la
Ville. Mahomet avait vaincu l'Apôtre Pierre; l'événement
fut ressenti comme un grave affront dans toute la chrétienté occidentale.
Heureusement, si l'on peut dire, la mer se chargea de venger Rome; une très
forte tempête envoya par le fond la flotte sarrazine chargée des
fruits des pillages; puis,en 847, une opération menée contre le
duché de Bénévent chassa temporairement les Musulmans d'Italie
méridionale.
Entre-temps, à la mort de Grégoire
IV en 842, successeur d'Eugène III décèdé en 827,
les divisions dans le corps électoral conduisirent à l'élection
de deux papes. Lothaire se fâcha et vint avec deux armées qui ravagèrent
le duché romain, pour donner une idée de la colère impériale.
L'élection de Serge II fut acceptée par Lothaire en juin 844,
mais ce règne vit le triomphe de la simonie. Serge II délégua
la charge de gouverner l'Etat à son frère Benoit, Evêque
d'Albano, aux moeurs dissolues. Tout fut à vendre; on dépouilla
les monastères et même les particuliers; le pontificat de Serge
II fut heureusement de courte durée. Il fut remplacé à
sa mort en 847 par Léon IV.
Avec l'avènement de ce dernier, arriva
sur la scène politique le fils de Lothaire, Louis II, que son père
avait nommé Empereur; il fut sacré par Léon IV en 850.
Louis II gouverna l'ancien royaume lombard pendant 25 ans; les papes romains
eurent désormais à tenir compte d'un Empereur italien. Des frictions
se manifestèrent entre Louis II et Léon IV, mais celui-ci décèda
en 855. Les affaires romaines et italiennes relevèrent du seul Louis
II jusqu'à son décès le 12 avril 875. Ce fut l'alliance
complète de la Papauté et de l'Empire; de byzantine qu'elle avait
été, la Papauté devenait carolingienne. Les princes carolingiens
considèraient le Pape comme un parent vénérable qui avait
le droit et au besoin le devoir de s'intéresser à leurs affaires.
Il ne faut pas en conclure à un changement de mentalité ou de
moeurs. Rome resta le champ clos des rivalités entre la noblesse et le
clergé; l'appétit pour le pouvoir était toujours aussi
aiguisé; les tortures, et exécutions alimentaient toujours des
ruisselets de sang; en contrepartie, les Romains et autres Chrétiens
d'Occident continuaient d'obéir aux mêmes pratiques superstitieuses
pour la plus grande gloire de l'Eglise et du Pontife vivant. Ainsi, en 864,
sous le pontificat de Nicolas 1er. (858 -867), ami de l'Empereur Louis II, un
différent s'éleva entre les deux hommes à propos des sanctions
que le Pontife voulait infliger à quelques évêques indisciplinés,
dont celui de Ravenne nommé Jean. Ravenne avait été la
capitale de l'Occident pendant trois siècles et demi, compte tenu de
la durée de l'Exarchat byzantin, alors que Rome s'enfermait dans ses
souvenirs et son rôle de Ville-musée dévastée; les
deux Cités cultivaient entre elles une réelle animosité.
Mais Jean le Ravennate se comptait lui aussi parmi les amis de Louis II; ce
dernier aurait préféré que Nicolas le Romain se contenta
d'un compromis; il n'en fut rien. Nicolas se mura dans son intransigeance, quitta
le Latran de nuit pour Saint-Pierre, pénétra dans la basilique
où il demeura deux jours en prière et sans manger, prosterné
devant le tombeau (présumé) de l'Apôtre (légendaire)
afin d'obtenir le secours du Ciel pour qu'Il fléchisse l'Empereur. Celui-ci
fut immédiatement saisi d'une fièvre si forte que son épouse
vint demander au Pape de l'aider à se rétablir. Nicolas accompagna
l'Impératrice au chevet du malade; celui-ci fut alors complètement
guéri et accepta les propositions du Pape. Nicolas retourna à
Rome auréolé de la gloire du magicien puissant qui avait su obliger
Dieu à priver Louis II de la santé, pour la lui rendre dans de
meilleures dispositions. Louis II quitta Rome pour Pavie. Il devait décèder
le 12 août 875 dans ses campagnes contre des repaires de Sarrazins en
Italie du Sud du côté de Bari.
Les 13 ans qui suivirent constituèrent une période
de grands bouleversements:
- Louis II
était mort sans héritier. Le titre d'Empereur des Romains fut
convoité par les deux branches subsistantes de la famille carolingienne:
la française et la germanique, qui sollicitèrent l'arbitrage du
Pape Jean VIII. Les circonstances étaient graves. Le choix de la personne
impériale allait se concrétiser à Rome sous la direction
du Pontife; c'était un renversement complet de situation. L'alliance
de l'Empire et de la Papauté revenait à reconnaître la prééminence
de cette dernière.
- La branche
française l'emporta et Charles le Chauve fut sacré Empereur, 75
ans après Charlemagne, le jour de Noël 875. Il se préoccupa
par la suite d'apporter à Jean VIII l'aide nécessaire pour vaincre
ses ennemis de l'extérieur, les Sarrazins revenus en Italie du Sud grâce
aux complicités de plusieurs nobles chrétiens, dont le duc de
Naples. Charles le Chauve signa en 877 le capitulaire de Quierzy-sur-Oise, qui
avalisait les structures féodales; il partit ensuite pour l'Italie. Des
complots l'empêchèrent de franchir les Alpes, il mourut empoisonné
le 6 octobre 877. Son fils Louis le Bègue lui succéda aussitôt,
mais il décèda en avril 879, en laissant deux fils trop jeunes
et trop faibles, dont le dernier devait disparaître en décembre
884.
- La branche
carolingienne germanique ne connaisait pas, à son tour, une heureuse
évolution. Louis le Germanique était décèdé
le 28 juin 876. Carloman s'était installé à Pavie dès
la mort de Charles le Chauve, mais il était malade et décèda
le 22 mars 881. Il avait précédemment cèdé l'Italie
à Charles le Gros, alors que Louis III, le dernier des fils de Louis
le Germanique disparaissait en janvier 882. Charles le Gros recueillit donc
la totalité de la succession carolingienne et fut le seul Prince
carolingien, avec lequel Romains et Italiens allaient avoir à faire.
Il fut sacré à Rome le 12 février 881, mais il fut déposé
par ses propres Sujets à la Diète de Tribur en Allemagne, en novembre
887. Il mourut peu après en janvier 888. L'Empire fut divisé
en sept royaumes indépendants: France, Provence, Bourgogne, Italie, Lorraine,
Allemagne et Navarre. En France, en cette année 888, les féodaux
désignèrent comme roi, Eudes, comte de Paris, le héros
qui avait vaincu les Vikings, lors du siège de la ville en 886.
Ainsi disparut la famille carolingienne, dont
il ne restait plus qu'un seul Prince, le fils posthume de Louis le Bègue,
Charles le Simple, âgé de 7 ans.
b) L'intermède spolètain
et la famille de Théophylacte (890 -950)
Entre-temps, le Pape Jean VIII avait traversé
les situations les plus dangereuses. Exténué par ses campagnes
incessantes contre les Sarrazins, il avait suscité contre lui-même
les critiques et l'hostilité des plus hauts membres de son Administration;
ceux-ci se soulevèrent et fomentèrent un complot: Jean VIII, vaincu,
mourut assassiné le 15 décembre 882; il fut empoisonné
mais, comme il ne mourait pas assez vite, on lui fracassa le crâne à
coups de marteau. Il fut le premier Pape assassiné (2).
Ce crime illustre tragiquement l'impuissance totale des forces du Ciel, y compris
son Portier, devant les passions humaines.
Celles-ci se déchaînèrent
du fait du vide laissé par la disparition des Carolingiens. La Maison
de Spolète en profita pour étendre ses possessions et "ressusciter"
l'ancien royaume lombard de Liutprand et Astolf, au grand dam de la Papauté.
Celle-ci composa; le roi Guy de.Spo1ète fut sacré Empereur à
Saint-Pierre de Rome le 21 février 889 par Etienne V. Le successeur de
ce dernier, le pape Formose, renouvela cette cérémonie le 30 avril
892 sur la personne de Lambert fils de Guy. Mais le Pontife agissait sous la
contrainte, et, en cachette, sollicitait le secours d'Arnulf, un fils naturel
de Carloman, duc de Carinthie, un vaillant soldat. Ce dernier finit par venir
en Italie du Nord en 895, et en février 896 se mit en marche contre Rome
aux mains des Spolètains, qui durent se replier. Arnulf fut sacré
Empereur le 22 février 896, mais fut frappé de paralysie peu après.
Le pape Formose mourut terrassé par la nouvelle le 4 avril 896. La Ville
fut reprise par Lambert et sa mère Agiltrude au début de 891.
"C'est
alors que se produisit un fait sinistre origine de longues et tristes convulsions
dans le sein de l'Eglise apostolique" (3)
Agiltrude nourrissait contre Formose, même
mort depuis neuf mois, une haine inexpiable pour sa traîtrise manifestée
par le sacre d'Arnulf en février 896. Elle obligea le pape Etienne VI,
son successeur, à organiser un synode qui jugerait le pape défunt.
Le cadavre desséché du vieux Pontife fut tiré de son sarcophage;
on l'assit sur une chaise; un diacre se plaça à ses côtés
pour répondre en son nom. L'Assemblée conclut à l'indignité
de l'accusé, à l'irrégularité de sa promotion, à
la nullité de ses Actes. La momie pontificale fut dépouillée
de ses insignes, de ses vêtements, à l'exception du cilice incrusté
dans le corps; on la jeta au Tibre.
Le pape Etienne VI fut à son tour victime
d'une insurrection à mi- 897; on le jeta bas du trône pontifical;
on le déshabilla vivant pour le vêtir d'un froc de moine, on l'emprisonna
puis on l'étrangla, ce fut le deuxième pape assassiné.
Un accident de chasse emporta l'Empereur
Lambert le 15 octobre 898; s'ouvrit une nouvelle période de contestations
entre les Princes. Rome se replia sur elle-même, d'autant que du sein
de l'aristocratie locale émergea une famille qui prit aussitôt
la direction des affaires et la garda pendant 60 ans: la famille de Théophylacte,
le vestararius ou vestiarius pontifical, chargé de veiller sur le gouvernement
de Ravenne et des provinces voisines. C'était un laïc, marié,
père de deux filles, il portait les titres de duc, magister militum,
sénateur et consul. Le Xème siècle commençant n'apportait
pas un adoucissement dans les
moeurs romaines. En juillet 903, Léon V fut élu Pape et. renversé
deux mois après par un autre prêtre Christophe qui l'envoya en
prison. Christophe lui-même fut déposé en 904 par Serge
III et emprisonné lui aussi. Les deux malheureux prisonniers furent assassinés
quelques semaines après.
Le gouvernement de Serge III jeta le trouble
dans le monde ecclésiastique italien; le clergé de Rome, quant
à lui, était courbé par la terreur. Il y eu en contrepartie
une résistance active et une campagne d'écrits polémiques.
Toutefois, le gouvernement effectif dépendait entièrement de Théophylacte
et de sa femme Théodora.
Le pape Serge III était l'amant de leur
fille Marozie, une adolescente, dont il eut un fils naturel, plus tard élu
Pape à son tour sous le nom de Jean XI. Cette paternité était
largement connue. Serge III dura sept ans et mourut de mort naturelle. Le règne
marquant fut celui de Jean X élu en 914 par la grâce de Théodora,
la femme de Théophylacte qui entretenait avec Jean des rapports adultères
mais dirigeait Rome avec vigueur. Le problème restait celui des Sarrazins
qui s'étaient créé des places fortes au-dessus du Garigliano
et en Sabine, d'où ils lançaient leurs raids de pillage. Jean
X sacra Empereur en 915, le roi d'Italie Bérenger, ce qui lui permit
de constituer une ligue élargie des Principautés chrétiennes
contre les "mécréants"; ceux-ci furent détruits
totalement en 916.
Un certain marquis Albéric de Spolète
se fit remarquer dans les combats, il gagna la reconnaissance des Romains et
Théophylacte lui donna pour épouse sa fille Marozie qui avait
fait ses débuts avec le défunt pape Serge III. Théophylacte
et Albéric disparurent en 926. Jean X tenta de s'émanciper avec
l'aide de son frère Pierre; il appela les Hongrois qui occupèrent
la Campagne romaine. Marozie, pour sa part ,s'était remariée à
Guy, marquis de Toscane. La manoeuvre de Jean X provoqua sa colère; elle
fomenta une émeute contre lui. Les révoltés se saisirent
de Pierre qu'ils massacrèrent sous les yeux de son frère, le Pontife;
ce dernier fut jeté en prison, puis assassiné.
Marozie usa de son pouvoir pour faire nommer au
Pontificat son fils Jean XI, en 931, qu'elle avait eu de son amant Serge III.
Mais elle avait aussi un autre fils prénommé Albéric dont
le père, de même nom, était le valeureux marquis de Spolète
décèdé en 926. Cet Albéric ne supporta pas le troisième
mariage de sa mère avec le roi d'Italie Hugues, suite au décès
de Guy de Toscane en cette année 931. Il lui était facile d'ameuter
des Romains mécontents, puisque il en existait toujours. Il assiègea
le château Saint-Ange où vivait sa mère, au moment de la
cérémonie des noces. Hugues réussit à s'enfuir mais
Marozie fut emprisonnée. Le pouvoir passa de Marozie à Albéric;
la dynastie continuait.
Les papes élus par la suite furent
des souverains virtuels. Albéric devint Prince des Romains, et défendit
son pouvoir victorieusement contre les attaques d'Hugues, roi d'Italie;. celui-ci
finit par abandonner en 946 les droits (supposés) qu'il détenait
de son mariage avec Marozie. Il abandonna son royaume à son fils Lothaire;
ce dernier mourut malheureusement en 950. Son épouse Adélaïde
fut emprisonnée par un compétiteur mais s'échappa et appela
à son secours le puissant roi de Germanie, Otton.
c) L'emprise
des Allemands (950 -1054)
Otton vint le 22 septembre 951; il épousa
Adélaïde, et, pour longtemps, les destinées de l'Italie allaient
être étroitement unies à celles de l'Allemagne. A Rome,
le pouvoir d'Albéric restait incontestable, comme en témoignent
les monnaies émises sur lesquelles son nom remplace celui de l'Empereur;
il était déclaré Princeps et Sénateur de tous les
Romains. Il chercha à s'allier aux pouvoirs impériaux de Constantinople
où règnait la dynastie de fait de Romain Lecapène. Mais
son gouvernement fut édifiant, il s'employa à former ou réformer
les monastères suivant les avis d'Odon, Abbé de Cluny, Ordre fondé
en 910.
La restauration de la discipline dans certains
établissements monastiques nécessita de véritables expéditions
militaires, compte tenu de l'extrême décadence de la vie conventuelle,
et de l'attitude des moines. Albéric décèda en 954, il
n'avait pas 40 ans.
Son fils Octavius, âgé de 16 ans,
devint Pape, le 16 décembre 955, sous le nom de Jean XII; il n'avait
d'appui solide que dans le souvenir de son père.Le jeune pape ne se plaisait
guère aux chants et rites de l'Eglise, ses nuits et ses jours se passaient
avec des femmes et des jeunes hommes à partager les plaisirs de la chasse
et de la table, débauches payées par le trésor de l'Eglise
alimenté par la simonie. La cruauté complètait l'orgie;
on crevait des yeux, on châtrait des dignitaires Il arrivait au pape dans
les festins du Latran de boire à la santé du Diable.
Pendant ce temps, l'Administration pontificale
marchait comme d'habitude et par habitude.
Les difficultés incessantes avec le royaume
de Pavie conduisirent Jean XII à envoyer un ambassadeur auprès
d'Otton, qui descendit en Italie à l'automne 961. Il vint à Rome
et fut sacré Empereur le 2 février 962. Le pape et l'Empereur
s'engagèrent l'un envers l'autre dans un document connu sous le nom de
"Privilège d'Otton" et signé du 13 février 962.
En bon Romain, Jean XII s'empressa de trahir Otton. Celui-ci revint à
la Ville le 3 novembre 963. Le pape s'enfuit; les Romains ouvrirent leurs portes
à l'Empereur et jurèrent de ne plus élire ou ordonner aucun
pape en dehors du consentement d'Otton et de son fils Otton II. Un Concile prononça
la déposition de Jean XII, le 4 décembre 963; il fut remplacé
par Léon VIII qui fut consacré à Saint-Pierre le dimanche
6 décembre.
Le "Privilège d'Otton" remettait
en vigueur la Constitution de Lothaire de 824; tant qu'il y eut par la suite
un Empereur effectif, c'est lui qui choisit le Pape.
Entre-temps, Jean XII n'avait pas désarmé.
L'Empereur ayant renvoyé une partie de son armée, une émeute
éclata le 3 janvier 964, qui se termina par la défaite des révoltés
dont les Saxons restants firent un abominable massacre. L'Empereur crut pouvoir
partir. Ce fut le moment choisi par Jean XII pour reparaître. Léon
VIII craignant pour sa vie déguerpit aussitôt. Jean XII réunit
un Concile en février qui déposa Léon VIII au nom de l'ancien
Droit. Otton était retenu par ses opérations militaires et Jean
XII triomphait en Pape légitime. Quelques semaines après, le 14
mai 964, il mourut dans le lit d'une femme mariée; le bruit courut que
le mari trompé avait servi d'instrument à la main de Dieu.
Le 23 juin, Otton et Léon VIII se rendirent
maîtres de la Ville, mais Léon VIII décèda en mars
965. L'Empereur lui donna pour successeur le fils de Théodora, soeur
de la célèbre Marozie, Evêque de Narni. Ce dernier prit
le nom de Jean XIII, et fut installé le 1er.octobre 965; c'était
le retour de la famille Théophylacte.
Trois mois après, une révolution
s'enflamma; Jean XIII, insulté, maltraité, fut enfermé
au château Saint-Ange, puis, chassé de Rome. Il revint à
la tête de forces importantes et fut réintégré le
14 novembre 966; la nouvelle avait circulé d'une quatrième descente
des Saxons sur la Ville. Les Saxons avaient non seulement confisqué l'élection
pontificale, mais organisèrent une nouvelle répression et firent
jeter à la voierie les cadavres des meneurs. Otton II fut sacré
Empereur par Jean XIII le jour de Noël 967. Ce pape décèda
le 6 septembre 972, suivi par Otton 1er. le 7 mai 973; son fils Otton II décèda
à Rome 10 ans après, le 7 décembre 983.
Inévitablement, des troubles éclatèrent
à nouveau qui mirent en vedette Crescentius, frère de Jean XIII
et deuxième fils de Théodora, soeur de Marozie. Son fils se nommait
aussi Crescentius, et prit le pouvoir de fait à la mort de son père,
en 984.
Otton III avait maintenant 16 ans; il vint à
Rome et profita d'une succession papale pour nommer son cousin Bruno, consacré
le 3 mai 996 sous le nom de Grégoire V. Celui-ci sacra Otton III le 21
mai suivant. C'était la première fois qu'on imposait à
Rome un pape d'origine transalpine. Aussi bien, trois mois après le départ
d'Otton III pour l'Allemagne, une nouvelle révolte s'alluma contre le
pape allemand à l'initiative de Crescentius. Grégoire V s'enfuit
et Crescentius fit nommer à sa place un Evêque de Plaisance qui
prit le nom de Jean XVI en avril 997. (Dans l'intervalle, Jean XIV était
mort assassiné en avril 894; Jean XV avait été un pape
obscur de 989 à 996).
Moins d'un an après, Otton III revint
avec le pape allemand. Jean XVI s'enfuit à son tour, fut rattrappé
dans la Campanie; on lui coupa nez et oreilles, on lui arracha les yeux et la
langue, on lui laissa la vie sauve et il vécut jusqu'en 1013 à
l'abbaye de Fulda. Quant à Crescentius, il fut décapité
le 29 avril 998 et son corps suspendu au gibet avec les cadavres de douze autres
Romains. Crescentius devint bientôt à Rome un héros légendaire.
Otton III se fixa dès lors à Rome; son cousin, Grégoire
V, mourut le 18 février 999, empoisonné. L'empereur fit nommer
son précepteur , l' extraordinaire Gerbert d' Aurillac , sous le nom
de Silvestre II , le 2 avril 999 .Le nouveau pontife ne resta pas inactif ;
par un édit de janvier 1001 , il accepta que l'empereur dénonça
la fausse donation de Constantin et affirma son autorité sur l'Italie
et l' Occident . L'empereur dut quitter Rome à la suite d'une nouvelle
émeute le 16 février 1001 et n' y revint plus . Il mourut le 24
janvier 1002 sans héritier. On l'enterra à Aix-la-Chapelle. Les
Allemands placèrent à leur tête Henri, duc de Bavière.Silvestre
II, lui , mourut le 12 mai 1003 . Rappelons-le ; cette année-là
vit en Occident , notamment en Champagne française , des paysans révoltés
à la suite des "grandes faims" pénétrer dans
les églises et briser les représentations triomphales de leur
dieu , le Fécondateur . La transition s'amorçait dans l'iconographie
entre ce dieu et le crucifix .
A Rome, Jean Crescentius, le fils du supplicié
de 998, prit le pouvoir avec le titre de "Patrice des Romains". La
tradition se perpétuait du conflit entre le Chef national romain et le
Prince étranger. Jean Crescentius mourut paisiblement en avril 1012.
La nécessité d'une nouvelle élection pontificale opposa
alors la famille de. Crescentius et celle de Tusculum; toutes deux appartenaient
à des branches alliées dans la succession de l'ancêtre Théophylacte.
Les Tusculains avaient les faveurs allemandes, ce fut leur candidat, Théophylacte
du nom de l'ancêtre, qui fut élu sous l'appellation de Benoît
VIII. Henri II pénétra en Italie à la fin de 1013; il reçut
la couronne impériale, le 14 février 1014, des mains de Benoît
VIII. Celui-ci confia le gouvernement pontifical à son frère Romain
et s'occupa de restaurer les règles ecclésiastiques fort oubliées,
notamment celles du célibat. Par les Tusculains, on était arrivé
à une entente avec les Allemands qui se considéraient à
Rome comme les véritables souverains, et les législateurs de l'Etat.
Benoît, décédé, fut remplacé immédiatement
par son frère qui s'appela Jean XIX et abandonna l'oeuvre de réforme
engagée par Benoît VIII; si bien, que les abus reprirent comme
auparavant et davantage même. Jean XIX couronna en 1027 Conrad II, successeur
d'Henri mort en 1024. Son pontificat se termina en 1032. Sa famille désigna
un autre Théophylacte, un enfant de 12 ans, pour succéder, sur
le Siège apostolique, aux deux précédents papes tusculains. Les
Allemands acceptèrent sans difficulté cette transmission héréditaire
qui mit sur le trône papal, Benoît IX. Celui-ci réintroduisit
au palais du Latran les moeurs dissolues de son lointain prédécesseur,
Jean XII; mais, en 1045, Benoît IX se démit de ses fonctions au
bénéfice d'un de ses parents qui avait payé fort cher la
Charte de cession; le nouveau pape s'appela Grégoire VI.
La Papauté avait été vendue,
triomphe de la simonie. Un énorme scandale secoua la chrétienté
occidentale toute entière. L'Empereur Henri III successeur de Conrad
II en 1039, vint en Italie en 1046, et réunit un grand Concile à
Pavie qui condamna la simonie dans les termes les plus sévères.
Benoît IX s'était réfugié à Tusculum; il fut
déposé par un synode réuni à Saint-Pierre les 23
et 24 décembre 1046. Grégoire VI, l'acquéreur du Siège,
l'avait été précédemment le 20 décembre.
Henri III prit la décision de nommer papes
des évêques allemands; ils furent quatre successivement. Le premier,
Clément II, vécut peu de temps et mourut le 9 octobre 1041, empoisonné,
à l'instigation, semble-t-il, de Benoît IX. Celui-ci se réinstalla
à Rome jusqu'en 1048, puis il disparut, mort probablement comme Jean
XII, dans le lit d'une femme mariée, victime à son tour de la
jalousie d'un mari trompé.
L'élément nouveau, à
l'horizon politico-militaire, est alors représenté par l'apparition
des Normands qui constituèrent des colonies en Italie du Sud et finirent
par jouer un grand rôle.
Léon IX, ancien évêque
de Toul, successeur de Clément II et Damase II, fut animé du souci
de la réforme ecclésiastique, entreprit de nombreux déplacements
pour imposer celle-ci et organisa la croisade contre les Normands. Son armée.
fut vaincue en 1053 et il dut se remettre entre les mains de ses vainqueurs;
il fut conduit et retenu à Bénévent, puis relaché
au printemps 1054; il revint à Rome pour y mourir. L'Empereur désigna
pour lui succéder un autre évêque allemand, le quatrième,
qui prit le nom de Victor II. L'Empereur mourut en 1056, ce qui ébranla
gravement la situation du Pontife qui décèda à son tour
le 28 juillet 1057.
d) La voie de la
Réforme
Des Romains aspirèrent ardemment
à se débarrasser de l'emprise germanique pour revenir in statu
quo ante, et aux abus de tous genres qui l'accompagnaient. Un autre parti, dirigé
par Hildebrand, voulait non moins fortement une réforme de l'Eglise et
un Pape soucieux de la dignité spirituelle du Pontificat (?). Les deux
partis élirent chacun un Pape, après le bref intermède
d'un Etienne IX qui mourut empoisonné. Restait la nécessité:
- non seulement
d'une réforme ecclésiastique exigée par les ravages de
la simonie, les abus de toute sorte et cette succession sans précédent
d'assassinats de Pontifes (12 au moins depuis Jean VIII, sans oublier Constantin
II et Jean XV atrocement mutilés).
- mais aussi d'une
libération de la papauté de l'emprise étrangère:
elle ne serait complètement elle-même que le jour où elle
n'aurait plus de maîtres temporels; le pape ne pouvait être
réduit à la situation d'un évêque allemand. C'est
ce qui poussa en définitive Hildebrand à demander l'aide des Normands,bien
qu'excommuniés par les papes dont il avait été le Conseiller.
Cette alliance:
- d'une part, permit
la. promulgation en 1059 d'un décret sur les élections pontificales
dirigé contre l'aristocratie féodale de l'Etat romain; le décret
instituait un corps électoral des cardinaux-évêques, qui
devait élire un membre du clergé romain, sous réserve de
l'approbation du reste du clergé et du peuple.
- d'autre part,
procura au Siège dit apostolique le moyen de lutter contre la Cour d'Allemagne.
. - enfin, détermina
les Princes normands, qualifiés comme tels par le Pape Nicolas II, à
se reconnaître les vassaux: du Pontife.
A la mort de Nicola II à Florence
le 27 juillet 1061, un conflit éclata entre l'Allemagne et Hildebrand,
dont le candidat triompha finalement en 1064 et prit le nom d'Alexandre II.
Grégoire VII lui succèda en 1073. Henri IV essaya en vain de le
faire déposer et ne créa plus que des anti-papes. La paix se fit
par le Concordat de Worms en 1122; depuis lors, ni empereurs, ni rois, n'intervinrent
dans les élections pontificales( ? ).
e) Résumé
conclusif
On peut résumer comme suit les débuts
de l'Etat-Eglise pontifical que nous venons d'analyser rapidement:
- Les dotations
en biens fonciers de Constantin au bénéfice de son Eglise néo-chrétienne,
christianisée, assurèrent à celle-ci une existence pérenne.
Le culte développé était celui d'une religion du
Pouvoir; ces biens s'augmentèrent des dons ultérieurs d'autres
princes et aristocrates, si bien que, cette Eglise, celle de Rome en particulier,
la Ville où la légende des premiers siècles de notre ère,
rapportée par le Liber Pontificalis, situe l'hagiographie de Pierre;à
tel point que l'Eglise romaine acquit la propriété de biens
très étendus formant le "Patrimoine de Saint Pierre".
Ce Patrimoine était constitué
de terres réparties originellement en Afrique du Nord, Sicile, Italie
méridionale et centrale. Du fait des invasions des Wisigoths et des Vandales,
principalement, le Patrimoine se réduisit à des territoires en
Sicile, Italie méridionale et le duché de Rome, créé
par l'Empire romain d'Orient avec l'Exarchat de Ravenne en 550. Le "Patrimoine
de Saint Pierre" fit de l'Evêque de Rome le propriétaire foncier
le plus riche d'Italie, ce qui attisa la convoitise des Lombards après
568.
- Les invasions
des Musulmans, à partir de 632, frappèrent de plein fouet l'Empire
romain d'Orient, qui perdit le contrôle de l'Espagne, Afrique du Nord,
Egypte et Proche- Orient. L'Exarchat de Ravenne tomba sous les coups
des Lombards en 750, mais il n'avait. eu qu'une existence virtuelle. L'Evêque
de Rome avait sauvé la Ville de la famine et de la ruine en employant
les ressources de son patrimoine à nourrir et à soigner les Romains
par la création des diaconies, à assurer l'entretien des
bâtiments utilisables. Rome subsistait grâce à lui; il en
était devenu le chef temporel et spirituel, du fait du retrait progressif
de la puissance byzantine. Les processions organisées dans la Ville
par l'Evêque permirent de croire à la rémission des épidémies
et des crues du Tibre.
- Vint le
moment en 752, où le Pape Etienne II dut choisir d'être ou non
annexé par le royaume lombard du roi Astolf. L'annexion s'avèrait
impossible du fait principalement que Rome était devenue, après
l'invasion de Jérusalem par les Musulmans en 638, le "Lieu Saint"
de l'Europe Occidentale; y affluaient des foules de pélerins venus prier
"ad sanctos" sur les tombes des martyrs pour obtenir telle ou telle
grâce ou la santé; surtout à Saint-Pierre la basilique de
Constantin où on avait déposé en 336 les restes (supposés)
de l'Apôtre (légendaire) Pierre, Portier du Ciel. Rome était
devenue le centre du commerce des reliques-ossements et vivait pour partie du
tourisme "religieux" activé par les superstitions de la population
entière.
De plus,les Lombards demeuraient
des "barbares" pour les Romains qui rêvaient de ressusciter
leur Ville en Caput Mundi comme autrefois.
- Etienne II se
tourna donc vers les Francs, chrétiens depuis deux siècles et
demi. Après accord de Pépin le Bref, il se rendit en Gaule au
début de janvier 754. C'est alors que fut diffusé en Gaule
un document baptisé "Donation de Constantin", établissant
l'Evêque de Rome, Sylveste 1er., vivant en 315, et ses successeurs, héritiers
de Constantin pour l'Italie et l'Europe Occidentale. Ce document était
un faux caractérisé, fabriqué par des moines comme toute
une série de fausses "donations". Les moines, ou
oratores, utilisaient comme une arme entre leurs mains la science de l'écriture,
qu'ils furent pratiquement les seuls à cultiver jusqu'à la fin
du XIIème siècle; l'écriture était une preuve "sacrée".
Par la fabrication de ces faux, ils défendaient les richesses que leurs
Etablissements accumulaient comme des coffres-forts. Les moines s'opposaient
ainsi aux bellatores ou guerriers, et méprisaient totalement les laboratores,
le peuple des travailleurs, paysans et esclaves.
La présentation de cette
fausse "donation" de Constantin, appuyée en 756 par une lettre
de Saint Pierre lui-même à Pépin le Bref, conduisit celui-ci
non seulement à reconnaître la souveraineté
de l'Evêque de Rome sur ses possessions de l'Italie Centrale, mais à
lui accorder la propriété de la ville de Ravenne et des territoires
en dépendant, du fait de son "héritage".
C'est donc par une imposture, stupéfiante
à nos yeux, que l'Eglise romaine devint l'Etat Pontifical, en jouant
de la naïveté et de la crédulité superstitieuse de
Pépin le Bref. Ce faux fut classé parmi les textes juridiques
dits canoniques, les décrétales, et devint source de droits. Critiqué
fréquemment et abondamment, spécialement par Lorenzo Valla en
1440, son caractère frauduleux fut reconnu officiellement en plein XIXème
siècle, à un moment où, l'Eglise-Etat ayant perdu toutes
ses possessions, cette "Donation" s'avèrait totalement inutile.
Il reste que tous les papes, par la suite, se pensèrent et agirent comme
les héritiers de Constantin, les successeurs de fait des empereurs romains
depuis Auguste.
- Que dire
des trois premiers siècles de l'existence de cet Etat?
Les douze Pontifes assassinés
depuis Jean VIII, non compris ceux mutilés sauvagement comme Jean XVI
et, antérieurement en 768, Constantin, dévoilaient à l'évidence
le total désintéressement de Pierre, Portier du Ciel , quant au
sort de ses successeurs (supposés); et son impuissance définitive
contre les déchaînements des passions humaines allumées
par l'appât du gain et du pouvoir. Rome fut le champ clos des rivalités
exaspérées, non seulement entre un clergé avide et une
noblesse militaire, mais entre les clans divisés de l'aristocratie romaine
puisque, en définitive, les papes appartenaient toujours à l'un
d'entre eux. L'élection pontificale signifiait la victoire d'un clan,
ou groupe de clans, sur les autres et appelait à la vengeance. Cette
anarchie engendrait les abus les plus criants, dont la simonie fut, dès
Léon III sous le règne de Charlemagne, la manifestation la plus
visible; elle se développa dangereusement à partir des années
845, où tout fut à vendre; la charge pontificale elle-même
fut cédée contre une forte somme par Benoît IX à
Grégoire VI en 1045.
En outre, le dérèglement
des moeurs qui s'en suivit fit fondre au soleil les coffres-forts conventuels,
l'angèlisme monastique, le célibat ecclésiastique. On vit
au Xème siècle, un pape, Serge III, afficher sa liaison amoureuse
avec Marozie, la fille de Théophylacte son vestiarius, avoir d'elle un
fils qui deviendra,en 931, pape à son tour sous le nom de Jean XI. Jean
X (914 -928) avait été l'amant attitré de Théodora,
l'épouse de Théophylacte. Le 16 décembre 955, un jeune
homme de 16 ans devint pontife à son tour, le petit-fils de Marozie,qui
prit le nom de Jean XII, vécut dans la pire des débauches, et
mourut dans le lit d'une femme mariée, tué par un mari jaloux.
- Tous ces
événements dessinent à l'évidence le visage d'une
Eglise romaine "sainte et divine", comme elle aime à se regarder....
!
Assurément des réactions
se manifestèrent, notamment en ce qui concerne les élections pontificales.
Le patronage exercé dès l'origine par les Carolingiens aboutit
à une régularisation consolidée par la Constitution de
Lothaire en 824. L'Empereur Louis II veilla, jusqu'en 875, depuis sa capitale
italienne de Pavie, à un déroulement policé de la
vie politique romaine. De la branche française, le contrôle de
la Papauté passa à la branche germanique, mais Charles le Gros fut
déposé par les siens en 887 et mourut le 13 janvier 888; l'année
où, en France, les féodaux élirent roi le fils de Robert
le Fort, Eudes, le brillant défenseur de Paris contre les Vikings.
- La disparition
de la famille carolingienne ouvrit beaucoup de successions. En Italie, les ducs
de Spolète se rendirent maîtres de l'ancien royaume lombard et
dominèrent la papauté qui en revint, sous leur férule,
à une stricte application de la Constitution de Lothaire. Se situèrent
alors l'abominable jugement de Formose après son décès,
et le long intermède de la Maison de Théophylacte. Les scandales
de cette période conduisirent plusieurs ecclésiastiques de haut
rang à solliciter l'intervention du roi saxon Otton. Celui-ci vint
en Italie en 951, puis en 961. Il règla les droits impériaux sur
Rome et l'élection des papes dans un document appelé le "Privilège
d'Otton" daté du 13 février 962. Il s'en suivit une mainmise
sur la papauté, des Ottoniens qui choisirent des pontifes dans le clergé
allemand.
- Ce fut le
dernier acte. Entraînés par Hildebrand, des Romains firent alliance
avec les Normands installés en deux fortes colonies en Italie Méridionale.
Les Normands agirent en vassaux des papes et non en patrons, se contentant
de règner et d'agrandir leurs domaines.
La réforme
générale fut mise en oeuvre par Grégoire VII à partir
de 1073. Celui-ci ne se contenta pas de diriger avec efficacité l'Etat
romain, il se déclara vicaire du Christ, c'est-à-dire le seul
représentant de "L'Empereur Céleste", hypostase de Constantin.
Par la Querelle des Investitures, qui l'opposa à l'Empereur allemand
Henri IV, il prétendit à la supériorité sur celui-ci
et être désigné pour nommer empereurs et rois. Il se disait
aussi infaillible, manifestation évidente d'une volonté de puissance
hypertrophiée. Grégoire VII fut expulsé de Rome par Henri
IV en 1083. Pour se venger, le Pape fit de nouveau appel aux Normands. Robert
Guiscard, leur chef, pilla Rome en 1084, massacra des milliers de prisonniers
pour la plus grande gloire de l'Eglise.
En définitive, dans cette histoire un peu élargie des débuts
de l'Etat-Eglise pontifical, les principaux événements sont passés
inaperçus:
- d'une part,
le Patriarche de Constantinople, Cérulaire, avait en 1054 reprit contre
Rome,en les aggravant, les griefs dogmatiques d'un lointain prédécesseur,
Photius. Léon IX lui avait envoyé un représentant, le cardinal
Humbert, qui rompit brutalement les pourparlers et déposa sur l'autel
de Sainte-Sophie une Bulle d'excommunication contre Cérulaire. Ce schisme
constituait une rupture définitive dans la religion chrétienne
et faisait de Rome la Capitale d'une Eglise occidentale opposée à
l'Eglise orientale. Les conséquences politico-militaires surgirent lors
de la première croisade en 1096, et surtout lors de la quatrième
en 1203 -1204; les Occidentaux s'emparèrent de Constantinople, la saccagèrent
et pillèrent trésors et oeuvres artistiques. Ils imposèrent
une dynastie italienne; pendant au moins 60 ans, les papes purent croire, après
la perte de Jérusalem en 1187, avoir ressuscité l'Imperium romain.
- d'autre
part, le IXème siècle, le Xème et le début du Xlème
amenèrent en Occident les "grandes faims", qui conduisirent
le peuple aux folles pratiques du cannibalisme;on vendit de la chair humaine
sur les marchés, on tua pour se nourrir. L'imagination populaire conclut
que ces catastrophes intervenaient du fait de la mort de Dieu, et que Celui-ci
n'arrosait plus la terre de Son sang fécondateur. La pensée de
cette mort se concrétisa durant la première croisade de 1096 -1099;
des moines suggérèrent qu'elle était due aux Juifs, dont
ils jalousaient la puissance financière. Ainsi naquit, avec le Crucifix,
l'anti-judaïsme chrétien qui se manifesta pour la première
fois dans les hautes vallées du Rhin et du Danube dans les pogroms organisés
par les bandes de Pierre l'Ermite.
Toutes les repentances du Vatican (ce ne sont
que des paroles) n'effaceront jamais le souvenir du sang trop abondamment versé
ad majorem Ecclesiae (Dei) gloriam.
Les" grandes faims",
ces famines terribles qui conduisirent l'Occident aux pratiques du cannibalisme
ont eu des répercussions révolutionnaires au cours du
XI ème siècle dans les représentations populaires
de la divinité. Le dieu traditionnel de la fécondité
paraissait mort puisque la terre avait perdu sa fertilité malgrè
les tentatives de le forcer à boire, dans l'espoir d'une nouvelle
arrivée de sang fécondateur.
|
Références bibliographiques
(1) -Cf. W.REINHARD -"Papauté -Confessions -Modernité"
Edition des H.E.S.S. Paris Chapitre III -Le Népotisme -Pages 69 et suivantes.
RETOUR
(2) -Cf. Mgr.DUCHESNE -Op.Cit. Page 282 C'est ce que l'angélique auteur
appelle "Les tribulations de Jean VIII"RETOUR
(3) -Cf. Mgr.DUCHESNE -Op.Cit. Page 301 Pour l'auteur le jugement post-mortem
de Formose, représenté par sa momie, est plus scandaleux que l'assassinat
d'une douzaine de papes par la suite, non compris ceux abominablement torturés.RETOUR
.
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